Chapitre 2

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J'avais toujours été célibataire depuis le collège, les relations avant le lycée ne comptent pas réellement. Ma maison était potable, de taille moyenne mais plutôt grande pour celle d'une professeur de littérature à plein temps qui ne recevait qu'un petit salaire et qui payait sa maison sans l'aide de personne tous les mois. C'était sans compter mes royalties, appelées ainsi par les américains, que je recevais grâce à mon livre, publié un an auparavant. J'avais réussi à percer un trou dans la coquille du monde littéraire et à m'y faufiler dedans. Je fus propulsée au sommet en quelques jours après la publication de mon oeuvre. Je n'avais pas atteint un stade comme celui de J.K. Rowling ou de Stephen King mais mon livre avait été traduit, assez bien vendu et je m'étais estimée heureuse. Sauf qu'en un an de "tournée", à rencontrer des gens plus adorables les que les autres, j'avais pris la décision de repartir écrire chez moi, ma ville de naissance, afin d'être dans le calme pour trouver l'inspiration. Mon éditeur voulait que j'écrive très vite un nouveau livre, j'en étais incapable, un bon livre ne s'écrit pas en un an mais en plusieurs années. Il m'avait prévenu que le public m'oublierait, je ne suis déjà plus au sommet, même si il arrive que l'on m'aborde parfois dans la rue. Je n'avais pas besoin que cela recommence de si tôt, j'avais un bon job, des économies des ventes de mon livre et des amis toujours à mes côtés pour rigoler. D'ailleurs j'en avais oublié que ce samedi matin, Sam, mon meilleur ami, devait passer à la maison. On aimait passer des journées à ne rien faire, à regarder la télé et à manger comme quand on était adolescents. Même si, ici, on aurait plutôt dit un vieux couple. Beaucoup s'imaginaient des histoires sur nous, les avis nous importaient peu. On aimait profiter de la vraie vie en passant du temps ensemble pour se tenir compagnie. Entre célibataires, de bords différents. La sonnette carillonna assez fort pour me sortir de mes pensées. J'ouvris et pris dans mes bras ce grand gringalet. J'aurai pu l'étouffer tellement il était maigre. 

-Ça fait des années ! dit-il en s'exclamant.

-Deux semaines c'est trop long ! 

On était inséparable, un frère, quelqu'un sur qui m'appuyer et compter pour me faire rire dans les pires situations. Un grand fan de films d'horreur et d'autres séries inavouables aux yeux des gens de notre âge qui nous auraient jugés comme des enfants dans le bac à sable. Avec lui, c'était mon âme d'enfant qui refaisait surface. C'est un besoin, aujourd'hui, dans un monde parfois trop grisâtre. Le plus étonnant était que nos personnalités ne correspondaient en rien aux codes imposés par la société. Un excentrique, ayant une tonne d'amis, qui essaie de rester gentleman avec tout le monde même si c'est pour parler d'eux dans leur dos, même parfois de ses amis, sans pour autant être méchant, juste comme quelqu'un qui n'aime pas certains traits du caractère de quelqu'un, comme je le fais dans ma tête pour Jo et d'autres. Et moi, une timide aux allures étranges, ressemblant à une autiste quand j'essaie de sociabiliser, et qui n'aime que peu de personnes. Pourtant, on possédait des attraits et des passions en commun, notre égocentrisme, notre intelligence et notre ambition sans fin pour nos rêves. J'en avais déjà réalisé un en écrivant mon livre, lui était en bonne voie pour décrocher un rôle dans le prochain Ridley Scott, mais il faut croire que les castings pour les blockbusters sont plus difficiles que pour les petits films. Il y a des étapes, comme un concours de talents en fait. 

-Bon, j'ai apporté des crêpes, je me suis dit que tu n'avais peut-être pas encore pris ton petit-déjeuner et que si tu l'avais fait, tu aurais sûrement encore faim et que si non, ça m'en ferait d'avantage pour moi, m'expliqua-t-il en un souffle.

-Je n'avais justement pas fini de déjeuner, en fait j'avais à peine commencé. Et je préfère nettement des crêpes à du simple pain. Chocolat ou cassonade ?

-Aujourd'hui chocolat, mais tu n'as pas d'autres sucres que tu me proposes seulement la cassonade ?

-Non, j'en ai d'autres, mais je sais que tu préfères celui-là, tu n'as jamais pris une autre sorte devant moi depuis que je te connais.

-Bien joué Sherlock Holmes, tu as raison, tu me connais tellement bien que ça en devient flippant. 

Il avait à peine eu le temps de finir sa phrase que la sonnette retentît de nouveau. Quelqu'un qui débarque à l'improviste un samedi matin et qui n'était pas Sam, c'était soit ma sœur ou soit Jo qui avait du nouveau. Heureusement, ce fût Jo qui apparût derrière la porte quand je l'ouvris. J'adorais ma sœur mais elle pouvait être trop intrusive à certains moments, lorsqu'elle passe comme par hasard devant ma maison en rentrant d'avoir été faire les courses ou de son boulot et qu'elle s'arrête pour voir ce que je fais, comment ça va, ... Cela faisait longtemps que je savais qu'aucun de ces deux trajets ne passaient par ma rue ou bien même celle d'à côté. Mais je faisais semblant de la croire quand elle venait, ça lui faisait tellement plaisir de me voir. Et j'étais de toute façon trop gentille avec tout le monde. Jo me rappela à l'ordre sans que j'aies le temps de lui faire la bise.

-Nous avons trouvé quelle marque et la liste des suspects. Mais je ne peux pas transporter les informations en dehors du bureau. Mon boss ne voudrait pas que la presse en apprenne plus. Tu sais, tu leur dis un truc et les détournements ou les théories fusent à grande vitesse. En bref, tu sais venir avec moi jusqu'au poste, si ça t'intéresse bien sûr. 

-Evidemment que ça m'intéresse. Mais Sam peut venir ? On devait passer la journée ensemble, et il ne parlera pas.

-Très bien, j'ai encore du boulot après et je n'ai pas envie de négocier.

Sam prît enfin la parole après l'énorme bouchée qu'il venait d'avaler :

-Merci, de toute façon t'avais pas trop le choix. 

Il sourit de son humour bancal, il était irrattrapable. Notre petit groupe prît le chemin du poste de police dans la voiture de Jo. Je n'avais jamais vu Sam de cette façon, il avait l'air d'un gamin dans cette bagnole suréquipée. Il touchait à tout. Mon amie d'adressa à moi réellement comme si l'eut cinq ans :

-Il était obligé de prendre ses crêpes, elle marqua une pause, dans ma voiture !?  

-Je t'entends Jo, et puis j'ai le droit de manger, je sais le faire proprement même en ayant l'air d'un attardé mental, coupa Sam.

Et moi je riais de ses conneries comme toujours. Irrattrapable, comme je le disais.


ImprobableWhere stories live. Discover now