Chapitre 3

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Arrivés au poste, je croisais le regard de Billy, un ami à moi, moins proche que Sam ou Jo mais qui était d'une gentillesse affligeante. Le genre de personne qui vît encore dans un monde rose, sans se soucier du mal autour. Malgré son côté con-con comme dirait mon père, c'était une petite perle de générosité. Il nous accueillit, souriant comme d'habitude :

-Jane ! Comment vas-tu ? Ça fait plaisir de te revoir ! Et qui c'est celui-là avec toi ? Ton petit ami ? Si c'est le cas, vous êtes à croquer tous les deux. 

Sam me glissa alors en chuchotant :

-Si il savait que je préférais croquer les mecs... D'ailleurs il y en a un là-bas qui me tente bien...

-Greg ! Pas lui !, hurlai-je alors que j'avais oublié de répondre à Billy. Oh excuse-moi Bill, Sam a le don pour me distraire, mais il n'est en aucun cas mon petit ami, c'est plutôt un frère pour moi. Tu as des nouvelles d'Alix ? Je lui envoie des messages mais elle ne m'a pas répondu récemment.

-Moi non plus, mais je sais qu'elle fait de l'archéologie, je crois.

-Elle étudie l'activité sismique et fait de la vulcanologie. Il me semble qu'elle suit aussi une formation pour faire de la paléontologie. Aucun rapport avec l'archéologie. Vous pourriez discuter tout à l'heure, pour l'instant, suis-moi Jane, je vais te montrer, coupa Jo.

Dans le bureau au fond du couloir, se dressait un tableau blanc avec des annotations dessus, des photos et une liste de suspects, ou du moins, ça y ressemblait. 

-La marque des chaussures sont des Bootty, collection de l'été passé, de taille 40, modèle unisexe. En taille 40, il est impossible de déterminer si c'est une fille ou un garçon à l'origine des empreintes, commença Jo.

-Nous comptons trente-deux suspects qui ont acheté ce modèle aux différents magasins de Riddle et quatorze autres dans les alentours. C'est un début, malgré que les interrogatoires vont être longs, continua Billy sur le même ton sérieux et explicatif.

Il n'eut pas le temps de continuer que Greg entra dans le bureau. La personne la plus détestable sur cette Terre à mes yeux. Celui que tout le monde voulait se taper au lycée, qui était adulé par toutes les filles mais qui créait la réputation des autres sans les côtoyer, un lanceur de rumeur, une grande gueule parlant pour ne rien dire. Il était hors de question que Sam ne l'approche d'une semelle, sinon, il allait découvrir que lui aussi était gay, et l'idée que mon ennemi numéro un puisse sortir avec mon meilleur ami m'était effrayante. Impensable. Le grand con prît la parole en voyant les chaussures affichées au tableau :

-C'est quoi ce genre de paire bon marché ? Elles n'ont jamais été à la mode et ne le seront jamais. C'est affreux, il vous suffit de trouver quelqu'un sans goût vestimentaire et vous aurez votre suspect. Demandez à Jane, elle s'y connaît en connexions de vêtements, disons, originales.

Une phrase et il me tapait déjà sur le système. Une phrase qui était de trop. Il repartait aussitôt.

-Promets-moi de ne jamais essayer de te le taper Sam, parce que lui c'est le summum du connard par excellence, je le déteste. Malgré ses pectoraux d'aciers qui pourraient te faire saliver, je ne cautionnerais pas que tu puisses traîner avec lui et encore moins coucher avec.

-Promis, et puis il t'a quand même insulté, ce n'est pas rien pour moi. Ne t'en fais pas. Je trouverai un autre casse-croûte.

Et on éclata de rire tandis que Jo et Billy semblaient agacés. Ils reprirent :

-Coïncidence étrange, il y a un nom qui m'a interpellé sur la liste, précisa Jo.

-Penny Wiz, dis-je.

-Je l'ai toujours su que c'était une meurtrière, affirma Sam d'un sourire narquois, je te l'avais dit qu'il fallait faire attention à elle. Ce n'était pas pour rien.

-Très drôle, je sais que le courant ne passe pas bien entre vous mais on sait tous qu'elle ne ferait pas de mal à une mouche. 

-Par contre si un jour elle se fait tuer, vous pouvez être sûrs que c'est moi le coupable.

Tout le monde éclata de rire. 

-Bref, je vous expose le plan : interrogez toutes les personnes aux alentours qui possèdent ces chaussures. On va créer différentes brigades avec les listes que les commerçants de la région nous ont sympathiquement fournies. Cela devrait déjà prendre un certain moment. 

-Je sais que je ne suis ni policière, ni stagiaire, mais pouvons-nous interroger Penny à deux ? Je ne l'ai pas vue depuis un moment et ça me ferait plaisir de la revoir, demandai-je.

-On verra comment j'organise ces visites et, si le boss m'envoie sur le terrain, alors tu pourras, sinon tu devras te retrouver avec d'autres brigades qui n'auront pas forcément envie de voir une écrivaine fouiner dans leurs affaires. Ou pire, de te voir tout court, si tu vois de qui je parle.

J'avais compris que c'était Greg dont Jo parlait et il était sûr que l'idée de passer une journée de recherches à ses côtés m'était des plus indésirables. Surtout qu'il était aussi bon comme policier que moi. Il pouvait remercier son père, le patron de la région. Heureusement, c'était Jo qui avait réussi à obtenir le poste de commissaire grâce à ses collègues qui l'avaient soutenue, à son grand étonnement, lorsque Mr. Halby avait voulu placer son fils à la tête d'une équipe qui lui était inconnue, débarquant comme amateur dans le domaine policier.

Après ce bref exposé de la semaine de recherches qui s'annonçait, nous repartîmes, Sam et moi, à pied vers ma maison. Ce dernier se plaignait déjà après les quelques mètres de marche parcourus au sujet de ses crêpes déjà finies. Je lui proposai alors de passer par chez Duke's, décidément je dépensais mon argent là-bas, pour manger un bon petit plat. Il était certain que nous mangerions mieux là-bas que chez moi car nos notions en cuisine se limitaient à cuire des pâtes et à faire brûler un steak. J'avais eu la chance jusque là d'habiter non loin de ce Diner anglo-américain qui me facilitait la vie, il faut l'avouer, me permettant de ne pas cuisiner, sans dépenser ma monnaie en grosse quantité au vu des bas prix et des quelques réductions que j'obtenais parfois de Cole, un serveur qui m'appréciait sûrement plus que moi je ne l'aimais. Il n'était pas méchant, mais légèrement insupportable par moments. Sam et moi prenions parfois plaisir à commérer sur lui lorsqu'il tentait de me parler sans succès. J'avais conscience de ma méchanceté mais j'avais, à mainte reprises, essayé de le repousser avec tact, une de mes rares qualités, lui faisant comprendre qu'il lui restait trop de temps pour le gâcher à me courir après tandis que je ne me concentrais que sur les livres. Mais, il avait vu là un nouveau défi, comme si son corps bien sculpté allait l'aider. Voilà où était le problème, il était égocentrique lorsque l'on parlait "force et biceps". Il me faisait penser à Gaston dans la Belle et la Bête, tentant de conquérir cette fille, concentrée sur son univers littéraire, alors que lui ne sait même pas lire. Mais j'avouerai aussi que je suis légèrement égocentrique.





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