Prologue

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Les étoiles accrochées au plafond sont presque invisibles, désormais. La maison respire à sa manière, avec les escaliers qui craquent, les portes qui grincent au gré des courants d'air. Dans la rue, pas un chat. Le monde entier s'est endormi depuis bien longtemps. Le monde entier, sauf moi.

Les pensées grouillent dans mon esprit, imaginant mille scénarios pour la rencontre qui aura lieu dans à peine quelques heures. Au plus profond de mon âme, j'ai envie d'y croire, d'entrer dans ce bar et de découvrir, assise au comptoir, la personne qui comblera toutes mes espérances. Les probabilités que tout se passe tel que j'en rêve sont pourtant proches du zéro absolu. Sans vouloir paraître pessimiste, j'ai beaucoup plus de chance de tomber sur un boulet à lunettes aux blagues déplacées que sur un bel homme sachant tenir toute une conversation sans rester le nez rivé sur le décolleté que je ne manquerais toutefois pas de porter. Jusque-là, c'est tout à ce à quoi j'ai eu droit. Dans les grandes lignes, tout du moins. Et pour l'indécrottable romantique que je suis, il s'agirait presque d'une malédiction posée sur mon berceau par une vilaine sorcière.

Je relis une dernière fois le texto que m'a envoyé Maximilien, mon meilleur ami.

« Rendez-vous à 19 h, ne sois pas en retard. Pas besoin de te faire jolie, tu l'es déjà. »

Adorable, comme toujours. C'est lui qui m'a arrangé cette rencontre, las de me voir voleter de garçons en garçons, le cœur fragilisé par toutes ces histoires qui n'ont pas le temps de cristalliser. Alors il a pris les rennes, m'a dégoté un type super, d'après lui, et m'a à peine laissé le temps de lui donner mon accord avant de me coller le nom d'un bar quelconque sous les yeux.

— Promets-moi que tu iras.

— J'irai si...

— Promets-le-moi sans condition.

— C'est promis, ai-je cédé dans un soupir.

Je ne sais pas pourquoi il y tient autant. Par bonté d'âme ? Pour que je trouve, comme lui, une personne à chérir qui me chérira à son tour ? Avec sa Sarah, ils filent le parfait amour depuis plus d'années que je n'ai de doigts – je crois – et en il a certainement marre de me voir jouer la cinquième roue du carrosse à chaque fois que je sors en leur compagnie. Bon, je l'admets, je suis parfois accompagnée. De Ben, de Marc, de Sacha... des amourettes qui n'ont jamais duré plus d'un mois ou deux, avant que je ne me retrouve une nouvelle fois toute seule à fixer longuement le contenu de mon verre tandis que Maximilien, face à moi, roulait d'énormes pelles à sa dulcinée. Nos autres amis ne sont pas mieux : tous en couple, pour ceux qui n'ont pas décrété fermement ne jamais vouloir entretenir la moindre relation. J'avoue déjà avoir prononcé le célèbre « Je vais finir nonne » quand mon célibat s'éternisait un peu trop, mais la vérité, c'est que j'en serais bien incapable. L'amour a une place tellement importante que l'exclure laisserait un vide sidéral en moi. Je me connais. Et je crois qu'au fond, moi aussi, j'ai envie d'une vraie relation. De partager autre chose qu'un lit deux ou trois soirs par semaine. Des voyages, des sourires complices, une série à regarder et une petite dispute parce qu'il y en a toujours un qui n'attend pas l'autre pour regarder l'épisode suivant de la série du moment. Oui, j'ai envie de tout ça.

Sous ma couette, je tourne et je vire. J'espère sincèrement que Maximilien aura pris la peine de me trouver un type qui a ces mêmes attentes, même si je ne les lui ai jamais formulées. Il est nul, aussi ! S'il m'avait laissé un peu plus de temps, j'aurais pu en discuter avec lui – et avec Sarah, son ombre – et on aurait pu se mettre d'accord sur des critères à respecter. Mais non, en deux jours, tout était plié, tout était décidé. Et bien que je sois loin d'être une maniaque du contrôle, le peu d'emprise que j'ai sur la situation m'angoisse un tantinet.

Allez, puisque tu ne peux absolument rien faire pour le moment, dors. Ça vaudra mieux.

Je tourne encore dans l'obscurité, me répétant en boucle cette ritournelle pour détourner mon esprit de ma vie sentimentale.

Toute la collocation dort, sauf moi. Et au plafond, les étoiles me fixent, narquoises. 

Constellation de toiWhere stories live. Discover now