Dear Freak

Chapitre 7 : Amon

Attention : ce chapitre aborde le thème de la dépression.

–Laisse-moi mourir.

Sol sursauta en entendant ces paroles. Sa main, serrée autour de la chaîne de 21, se détendit, laissant un peu plus de mou sur le collier.

–Tu rigoles ? Comment tu peux dire ça ? Tu devrais t'estimer chanceux d'avoir un endroit qui te nourrit et qui te...

–Alors je n'en veux plus, l'interrompit 21, la tête baissée.

Cette dernière phrase coupa net l'élan du jeune trapéziste. Les petits yeux bleus de n°21 continuaient de fixer l'air, couverts par quelques mèches grisonnantes. Mais son regard était rempli de tristesse. Sa voix laissait transparaître sa faiblesse, et de fines larmes s'écoulaient sur ses pommettes.

–Franchement, fit Sol en fronçant les sourcils, je ne comprends pas. Le directeur t'as même donné un numéro dans le programme ! Pour un freak, c'est un véritable privilège !

Mais à cela, 21 ne répondit rien. Il restait les genoux à terre, redevenu silencieux comme la pierre. Sol ne savait pas vraiment quoi faire. Il était mort de jalousie de savoir que cette bête de foire avait encore eu le beau rôle, mais il se sentait à la fois embarrassé d'être face à quelqu'un dont le seul désir était de mourir.

–Laisse-moi rejoindre mes parents.

De grosses larmes humidifiaient ses joues devenues rouges, et ses yeux en étaient noyés. Il sanglotait, replié sur lui-même.

–Mais ta famille, c'est ici maintenant ! essayait de le convaincre Sol. Et mon oncle est notre père à tous !

–Je n'en veux pas !

Le garçon ne semblait pas résolu à l'écouter.

–Ils sont venus, continuait-il dans un murmure. Ils ont tout détruit. Ils ont chassé Papa, Maman et Mia. Ils m'ont pris, moi. Je ne veux plus vivre comme ça, coincé entre quatre murs et quelques barreaux.

Et il se mit à pleurer en silence. Son cœur était triste, déchiré, réduit en morceaux. Sa gorge était nouée et ses sanglots restaient coincés à l'intérieur. Depuis qu'il était arrivé, exposé à la vue de tous, il n'avait cessé de repenser au moment où il mettrait fin à sa vie, par n'importe quelle manière.

Sol était perturbé. Il n'arrivait pas à comprendre comment une star montante comme 21 pouvait ne plus vouloir vivre au cirque. C'était pourtant une belle vie, avec un toit, un repas, la gloire et la reconnaissance.

–Tu te fiches de moi ? s'étonna Sol, ils te regardent tous avec admiration ! Tu sais combien d'efforts je fais pour essayer de me démarquer, pendant que toi, à peine arrivé, tu es l'ange descendu du ciel ?

21 ne disait rien.

–Chaque jour, je m'efforce de donner le meilleur de moi-même sur le trapèze, mais depuis ton arrivée, j'ai l'impression que ça ne sert plus à rien ! Tu ne peux pas imaginer à quel point c'est...

"Frustrant", allait-il dire. Mais il n'eut pas le temps que l'autre, face à lui, avait déjà répondu.

–Alors laisse-moi mourir.