Chapitre 2 - Forêt Roquet

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Le printemps, c'est le temps de la renaissance, paraît-il. Tout s'épanouit à nouveau dans tous les sens et cette nature en bordel semble comme se trémousser au rythme du tumulte des piafs qui sont de retour. Les bourgeons éclatent, les feuilles dansent et les fleurs font même péter la couleur sur toutes les contrées du Royaume Feuilleté. « Voilà peut-être bien pourquoi notre aventure sans queue ni blette commence en cette saison » songea le radis en marchant d'un pas assuré.

Nos deux protagonistes vadrouillaient déjà depuis plusieurs heures. Cela dit, ils marquaient une pause tous les trente pas car Citrov était malade comme un coing. Le citron vert avait vraisemblablement chopé un agrhume, comme il se plaisait à le répéter entre chaque éternuement. Sans doute que ce périple en slip y était pour quelque chose. Mais nos héros étaient comme pain et beurre, jamais Petit Rose ne le laisserait en carafe. Du pain, ils en avaient sur la planche, ça ne mangeait pas de pain de s'arrêter quelques minutes pour se reposer.

— Qu'est-ce qu'il dit avec ces histoires de pain lui ? demanda Citrov entre deux éternuements.

— Qui ça ?

— Le type qui décrit tout c'qu'on fait depuis hier.

— Quel type ?

— Il fout son grain d'sel partout. Me dis pas qu'tu n'l'entends pas !

...

— Arrête ton flan, Citrov.

La Prairie Basmati semblait si loin maintenant, mais notre radis ne lançait aucun regard en arrière : le monde était là, devant lui, prêt à être exploré.


Après des sentiers à travers les plaines aussi interminables pour eux que pour moi qu'ils passèrent sous ellipse, ils atteignirent enfin l'orée d'une forêt. Le sentier continuait parmi les pins, derrière un panneau en bois qui indiquait Forêt Roquet - Danger pour les viandes. Présence de clebs. Bien que Citrov ne savait pas lire, il n'était pas débile au point de ne pas remarquer le point d'exclamation gravé dans le triangle au dessus du mot danger. Mais devant lui, Petit Rose continuait de filer sans un grain d'inquiétude.

— T'inquiète, le rassura-t-il. Les cabots ne pratiquent pas la chasse aux citrons. Dans le pire des cas ils nous pisseront dessus pour marquer leur territoire.

Mais l'idée d'être arrosé d'urine ne sembla pas plus apaiser l'agrume.

— Beh... et s'ils sont affamés ?

— Prions le Poulet de Lumière qu'ils soient assez civilisés pour ne pas manger des fruits plein de pisse. Allez, avance.

Petit Rose était enjoué et n'avait pas ralenti le pas face à l'avertissement. Au contraire, il avait accéléré la cadence, impatient d'explorer ce nouveau lieu. Cirov se hâta lui aussi, empressé d'en ressortir.

Ils s'aventurèrent plus profondément dans la forêt de pins. Les arbres se dressaient ici comme des sentinelles altières qui, de leurs aiguilles, laissaient filtrer quelques rayons de soleils en créant des tapis de lumières sur un sol recouvert de mousse. Le sentier serpentait entre les troncs majestueux qui imprégnaient l'air d'un parfum boisé, porté par le vent dont les murmures formaient une douce mélodie entre les cimes. Des piafs chantaient joyeusement dans les hauteurs, tandis que des hérissongs agiles gambadaient d'une branche à l'autre en contrepoint.

Le radis, enthousiaste depuis leur départ, se laissait guider par sa curiosité, explorant chaque recoin de la Forêt Roquet. Le citron vert, plus préoccupé par la menace des roquets que par la beauté du lieu, ne risquait pas un quartier en dehors du sentier.

— Citrov !

L'agrume sursauta. La voix de Petit Rose, toujours enjouée, émanait d'un petit coteau plus loin dans la forêt, en dehors du chemin.

Le Royaume FeuilletéWhere stories live. Discover now