Chapitre 7 - Bienvenue à la Tartifête !

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Quand le petit être rosé s'extirpa de sa rêverie, il s'étira comme tige au soleil, bien que ce dernier s'était couché depuis longtemps maintenant. A la place, la lueur d'un croissant de lune se faufilait entre de chatoyants rideaux, lui dévoilant un décor singulier.

Petit Rose était allongé sur ce que l'on pouvait difficilement deviner être un lit ; cette fois-ci non pas car il s'agissait d'un vieux tas de paille moisie mais, au contraire, car il était orné d'une ribambelle d'orfèvrerie. Autour de lui, une chambre somptueuse, baignée de lumières artificielles, fourmillait de décorations aussi belles qu'inutiles. Noyé dans une mer de guirlandes, napperons, tableaux, bijoux et bibelots en tout genre, le radis eut du mal à reconnaître Citrov au milieu de la pièce, assis sur ce qui devait être ici un simple fauteuil mais qui s'apparentait bien plus à un trône massif, devant un gigantesque écran sur lequel était diffusé une étrange parade visuelle. Les images changeaient brusquement, passant d'une scène colorée à une autre sans prévenir, tandis que des visages inconnus souriaient de manière exagérée et que des bruits étranges résonnaient à travers la pièce.

— Tu veux changer d'chaîne ? lui dit-il sur un ton attestant qu'il s'était déjà bien approprié les lieux.

— Heu... on est où déjà ? demanda le radis, la tête dans le pâté, la main dans les fanes.

— Dans une patapiaule, répondit Citrov en tentant de se concentrer sur l'intrigue du feuilleton.

— Dans une... ?

— Une patapiaule, dans la Patatour, ça te r'viens pas ?

— Oh purée ! s'exclama le radis en émergeant enfin. Il n'est pas trop tard pour la Tartifête ??

Il bondit hors de son velouté de draps soyeux et atterrit sur une moquette si duveteuse qu'il aurait pu y dormir dessus. En voyant un sourire apaisé se dessiner sur le visage de son ami rose, Citrov comprit que même si tout ce luxe leur paraissait futile, le radis allait sûrement vouloir en profiter comme il l'avait fait ces dernières heures.

— Viens, j'te fais un rhum-tour ! lui proposa l'agrume en l'entraînant dans tous les coins et recoins de leur patapiaule. Alors là t'as des consoles, ici t'as plein d'ordinafleurs, par ici c'est la salle de bain, par là t'as une bibliothé, encore plus loin c'est un grand salon avec canapés, frigos et jacuzzis, et regarde ça : on a même un balcon !

Sur cette info, Petit Rose s'y précipita directement et, fermement cramponné à la balustrade, il découvrit un panorama ébouriffant :

— C'EST MAGNIFIGUE ! hurla-t-il comme nougat roux à la lune.

On pouvait voir tout Siropolis d'ici. Les fenêtres de la plupart des appartements laissaient elles aussi échapper de la lumière, et les terrasses grouillaient toujours encore plus de vies. Au loin, le concert des Troubadurians était loin d'être terminé et le bourdonnement lointain qui s'en échappait semblait se mêler à celui qui émanait d'un match de frootball qui ne faisait que commencer, de l'autre côté de la ville. Hypnotisé par la possibilité infinie d'aventures qui s'offrait à lui, le regard du radis se perdit à nouveau quelque part dans le paysage, comme cela lui arrivait si souvent à la Prairie Basmati.

— N'tardons pas pour la Tartifête ! rappela Citrov en le déracinant de sa rêvasserie.

Nos deux héros quittèrent leur patapiaule et se dirigèrent vers l'ascenseur qu'ils avaient pris quelques heures auparavant, mais cette fois-ci pour se rendre encore plus haut : à l'étage six-cent-quarante-deux, comme leur avait indiqué le roi.

« Le roi... » se répéta Petit Rose tandis qu'ils s'élevaient dans l'immensité de la Patatour. Si fatigué, il se souvenait à peine de comment il avait réussi à trouver des forces pour monter jusqu'à la patapiaule. Il se remémorait brièvement de marcher dans un couloir, de sentir la douce moquette sous ses radis en pénétrant dans la chambre et de s'étaler comme une pâte brisée sur le premier lit venu. Mais de sa prise de bonbec avec Pépin, ça, il s'en souvenait dans les moindres détails. « Roi ou pas roi, tu nous dois des explications... » pensait-il en retournant à la réalité aussi vite que l'ascenseur les propulsait au pataresto.

Le Royaume FeuilletéWhere stories live. Discover now