Le Royaume Feuilleté

Chapitre 6 - Monsieur Pomme de Ciel

Petit Rose, Citrov et Banabelle descendirent de la baguette, délectés tels des enfants invités à quitter une attraction pour en découvrir une autre. Devant eux se dressait l'immense gratte-ciel doré que l'on voyait de partout, si immense qu'il aurait assurément pu, comme sur le tampon de cire, atteindre les nuages. Des tâches brunes irrégulières, destinées à rappeler « le sexe-apple des pommes de terre » comme l'indiquait tout bon guide touristique qui ne se respectait pas, parsemaient les façades de ce prestigieux monument que l'on appelait la Patatour. Mais à y regarder de plus près, ces tâches ressemblaient plutôt à des vitres de verre sombre, élaborées comme pour préserver les secrets que renfermait l'édifice.

— Merci pour le trajet, copain ! le remercia Banabelle en marchant vers la tour.

— Y'a une couille dans le potage, s'inquiéta Petit Rose. On veut voir Pépin nous, pas le roi.

La banane afficha cet énorme sourire en banane dont elle avait le secret et déclara :

— Monsieur Pomme de Ciel EST le roi, nigaud.

— Quoi ????? s'exclama le légume d'une intensité qui nécessitait bien cinq points d'interrogation. Ce n'est pas possible !

— Et bien si c'est possiiiiiiiiiible ! affirma Galopain en repartant à toute berzingue.

Le sang glacé comme s'il venait de passer au freezer, Petit Rose resta figé quelques instants face à la fameuse Patatour dont il n'avait pourtant jamais entendu parlé, puis s'interrogea :

— Pourquoi le roi du Royaume Feuilleté, l'homme le plus puissant au monde, enverrait une lettre à deux cul-terreux comme nous ?

— P't-être bien qu'il a entendu parler du duo d'choc de Bourgapple ? marmonna le citron, les yeux juteux.

— Alors, vous ramenez vos tiges ici ? lança la banane du haut des marches du perron qui menaient à l'entrée.

— Attends, tu vois bien qu'on flippe là ! lui envoya le radis. On a été convoqué par le roi, il y a clairement lentille sous roche.

— Perso, je n'flippe pas.

— Arrête. Tu te fais clairement du mouron depuis tout à l'heure.

— Oui mais pas pour ça, c'est mon mamelon qui m'turlupine.

— RAMENEZ VOS TIGES ICI ! insista Banabelle.

Petit Rose se secoua les fanes et serra le poing, se motivant à reprendre du poil de la baie. Citrov enfila le béret sur son téton crânien, visière en arrière et résolu à aller de l'avant, prêt à découvrir ce que ce nouveau chapitre leur réservait.

Ils gravirent les marches éclairées du célèbre turquoise et rejoignirent leur équipière devant une imposante porte couverte de lierre grimpant : la célèbre Portefeuille, illustre vestige datant de l'Age des Prunes, dont on dit qu'elle était autrefois l'entrée d'un temple dédié à la mémoire du Héros Sans Nom. Bon, tout ça c'est du lore, ça ne nous avance guère à grand chose pour le moment, surtout que Banabelle était justement en train de l'ouvrir pour que nos héros puissent enfin pénétrer dans la Patatour.

L'intérieur était sombre.

Très sombre...

Encore plus sombre que le Tunhell.

Encore plus sombre que le trou de balle d'un hyppopochtron.

Bref, on n'y voyait rien.

— Il est sympa le comité d'accueil, ironisa Petit Rose, anxieux, se forçant à rentrer dans la pièce.

— En plus j'ai peur du noir moi, rappela Citrov en tremblant comme une feuille. J'vous rappelle que dans c't'obscurité, je perds dix pourcents d'mes capacités.