Chapitre 4 - Un Court Chapitre

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— Ça craint du boudin, soupira Citrov, agité. On y voit pas plus loin qu'nos chouquettes.

— Tu vas nous porter la guigne, l'avertit Petit Rose. Je te rappelle qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs.

— Les gars, leur souffla Banabelle. Quand vous aurez fini de faire le tour de toutes les expressions connues, vous pourriez peut-être commencer à adopter un comportement plus sérieux ? Parce que Monsieur Pomme de...

— Oh c'est bon, pas la peine d'en faire tout un fromage !

Citrov et Petit Rose éclatèrent de rire avant de se rendre compte que l'écho de leur poilade semblait comme se répercuter à l'infini dans les entrailles du Tunhell.

— On doit marcher sur des œufs encore longtemps.. ? demanda Citrov, retrouvant son air effarouché.

— Non, le rassura le fruit au sac banane. De ce que je sais, un court chapitre suffit pour faire la traversée. Du moins, si on ne se fait pas attaquer.

Le trio avançait droit devant, dans l'obscurité la plus totale. Il faisait noir, un noir si noir qu'il aurait fallu que vous fermiez les yeux pour vous le représenter véritablement (mais ne le faîte pas, sinon vous ne pourriez pas lire la suite). Ils ne pouvaient que progresser droit devant eux dans la peur de se cogner contre l'une des parois du couloir, ou de quelque chose de pire encore, dissimulé dans l'ombre...

— Vous allez voir Monsieur Pomme de Ciel pour quelle raison, en fait ? les interrogea Banabelle afin de se délivrer de cette pensée effrayante.

Citrov tourna la tête en direction de Petit Rose, espérant apercevoir quelques bribes de sa trogne afin de savoir s'ils devaient toujours garder la lettre secrète. Mais son regard ne trouva que le néant, qui de toute manière l'entourait peu importe la direction.

— Qu'est-ce que vous mijotez ? demanda Banabelle face au silence inhabituel de ces deux nouveaux compagnons, préférant les entendre s'esclaffer à nouveau.

— Hier soir, révéla Petit Rose en brisant le silence, nous avons reçu une lettre nous indiquant que ce « Pépin Pomme de Ciel » nous attendait à la Patatour. Mais nous ne savons ni qui c'est, ni où il se trouve.

— Haha ! Quelle chance qu'on se soit trouvés alors ! Mais je me demande bien d'où vous venez pour ne pas connaître Monsieur Pomme de Ciel.

— Il ressemble à quoi ? demanda Citrov.

— C'est une drôle de patate, répondit simplement Banabelle.

— C'est quoi ça déjà ?

— Non mais tu le fais exprès ! s'exaspéra Petit Rose.

— Mais quoi ? fit le citron de son air candide. J'n'ai rien fait !

— Justement, fais un effort pour décrasser les quelques grains qui se sont bloqués dans ta ciboulette ! On passe pour des glands.

— J'pense qu'y'avait pas forcément besoin d'ça pour qu'on passe pour des glands. C'est juste que j'ai tendance à confondre les patates et les pommes de terres. Je n'sais pas tout.

— Oui mais toi, tu ne sais rien. Faut pas tomber dans l'extrême inverse non plus.

Tout à coup, un cri transperçant résonna dans la grotte.

— C'était quoi ça ? s'affola le radis.

— Pour la deuxième fois, je n'sais pas tout ! s'énerva le citron. Et en plus de ça j'ai peur du noir, dans cette grotte j'perds au moins vingt pourcents d'mes capacités.

— Tes capacités étant de zéro pourcent à l'extérieur, si ça peut te rassurer il me semble que ça revient au même !

C'est alors que des dizaines de cris qui se propagèrent dans le néant. Des hurlements qui semblèrent surgir du plus profond des enfers...

— Je ne me sens pas très bien... avoua Banabelle.

— Faut dire qu'le narrateur n'nous rassure pas des masses... lâcha Citrov.

— Tu l'empruntes souvent ce chemin ? demanda Petit Rose à leur équipière, cherchant à se rassurer.

— Jamais. D'habitude je fais tout un détour qui certes, me rallonge d'une bonne journée, mais rallonge à n'en pas douter mon espérance de vie.

— Mais qu'est-ce qu'on s'trimballe l'écorce ici, alors ?? s'effaroucha le citron en pressant le pas.

— Vous ne m'avez pas dit que vous étiez des aventuriers ?

— Bien sûr que si, affirma le radis sans en douter une seule seconde. Alors on court ! VITE !

Petit Rose, Citrov et Banabelle prirent leur courage à deux mains et les jambes à leur cou, alimentés par une forte montée d'adrépraline.

— C'est la fin des haricots ! cria Citrov.

— Tant mieux on est pas des haricots ! cria Petit Rose encore plus fort.

Les cris perçants ne s'arrêtaient pas. Au contraire, ils gagnaient en intensité, comme s'ils tiraient leur force de la peur grandissante de nos trois personnages.

Mais contre toute attente, le radis, le citron vert et la banane virent finalement la lumière du jour et sortirent plus vivants que jamais de l'autre côté des Rochers Chocobolos.

— On a survécu ! s'écria Petit Rose en s'étalant sur l'herbe chaude, heureux de sentir à nouveau les rayons du soleil sur sa peau.

— Un court chapitre, je vous l'avais bien dit ! leur envoya Banabelle, croyant bien masquer qu'elle avait elle aussi failli chier ses fibres.

Elle risqua un dernier regard en arrière et distingua d'étranges formes au fond du tunnel, lesquelles se fondirent à nouveau dans l'obscurité.

— Qu'est-ce que c'était qu'ça ? demanda Citrov.

— Des basilics.

— Des basilics ? Mais c'n'est pas censé être des plantes ça ?? J'suis perdu.

— Les basilics sont des immenses serpents végétaux, mi-monstre mi-plante, faisant partie d'un vaste bestiaire encore peu documenté au même titre que les menthicore, poplicorns, nougats roux et autres profitrolls. On raconte que les basilics ne s'en prennent uniquement aux cadavres de ceux qui se sont perdus dans le Tunhell. Mais, parfois, il arrive que ces cadavres aient le temps de fermenter avant qu'ils se fassent dévorer. Quand cela arrive, les basilics deviennent complètement cinglés, sanguins et surtout, diaboliques. Alors, ils n'hésitent plus à attaquer les voyageurs qui s'aventurent dans le Bolo. J'en avais déjà entendu parlé, mais j'avais toujours cru que le Diabolo n'était qu'une légende...

Banabelle et Citrov, loin d'être rassurés à propos de cette maudite grotte, s'en éloignèrent instantanément. Il rejoignirent le radis qui, la chevelure au vent et la cape flottante, fixait d'un air ébahi les gigantesques bâtiments que l'on pouvait deviner au loin.

— C'est ça Siropolis ?? cria-t-il comme une andouille. C'EST MAGNIFIGUE !

Le Royaume FeuilletéWhere stories live. Discover now