Chapitre 6 : Hugo

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Hugo gagna son lit d'un pas lourd, comme s'il portait un poids immense sur ses épaules et qu'il n'avait pas la force de le porter à lui tout seul. En passant devant la porte de son frère aîné, il se demanda si les accusations de Béa s'appliquaient également à lui. Marc avait-il oublié Mia et ses amis ? Avait-il tôt fait de ranger leur vie sur Terre dans une boîte et de l'oublier pour se préserver de la douleur qu'elle impliquait ou alors ressassait-il sa tristesse comme semblait le faire Béa ? De son côté, Hugo avait d'abord cherché à ne pas oublier, il avait refusé de coopérer avec son grand-père et avec sa cousine. Il était resté fidèle à ce qu'il voulait être : Hugo, le garçon qui aimait Mia Marcedo à la folie. Mais cet amour le rongeait de l'intérieur car chaque soir, en s'endormant, il voyait le visage déçu et défiguré par la tristesse de la jeune femme alors qu'elle savait désormais qu'il ne reviendrait pas. Certes, elle pensait qu'il était sur Lille et elle ignorait tout de son futur mariage, mais ça ne devait pas être simple pour autant. Et chaque soir, il souffrait davantage au fur et à mesure que son cerveau se spécialisait dans l'auto torture. Si bien qu'un jour, en se réveillant, il avait décidé de dire stop. Il ne pouvait plus continuer à vivre ainsi, au dépens d'une vie qui lui était désormais inaccessible. Il avait compris la nécessité de passer à autre chose et d'oublier ce qui l'empêchait d'avancer. Il avait fiché Mia dans une boîte en métal imprenable, il l'y avait enfermée à double-tour et avait jeté la clé dans un coin sombre de son esprit. Dès lors, il avait réussi à garder la tête hors de l'eau. Il avait commencé à lâcher prise et il avait pu redevenir le garçon d'avant, celui qui ne se posait pas de questions et vivait au jour le jour. Il avait cessé de culpabiliser quand il parlait avec sa cousine et il avait même appris à apprécier leurs échanges. Il commençait à espérer qu'il pourrait vraiment y avoir quelque chose. Bien sûr, il ne voulait pas remplacer Mia, personne ne le pourrait. Mais il ne pouvait pas non plus rester bloqué là-dessus. Il devait faire son deuil car elle aussi le ferait et elle ne l'attendrait pas pour se marier et avoir des enfants.

Hugo ouvrit sa porte avec violence et sentit qu'il perdait prise. Béa avait trouvé la clé et avait rouvert la boîte et ce qu'elle contenait. Il se doucha avec Mia plein la tête. Avec le souvenir de ses longs cheveux roux, de ses beaux yeux marron désormais encore plus envoûtants, de la couleur de l'or en fusion et de la douceur de ses lèvres collées contre les siennes. Il se rappela le soir où ils rentraient d'une séance à Palmilude et qu'il l'avait aperçue dans la douche des filles, ses cheveux dégoulinants de shampoing, son corps ruisselant de savon. Il n'avait pas su détourner son regard et cela avait été un père de famille qui avait dû le rappeler à l'ordre d'un coup d'épaule. Il se remémora leurs étreintes langoureuses, leurs caresses. Elle était si belle, dans ses souvenirs. Faire sa vie sans elle ? C'était impossible. Il se rendit compte que tout ce temps, la blessure ne s'était jamais cicatrisée, elle était simplement restée en suspend. Et puis, il se réveilla et sut, alors que l'eau brûlante lui brûlait la peau, qu'il était inutile de s'approfondir sur le sujet. Mia faisait partie d'une époque révolue. Ils ne vivaient plus sur le même monde, elle allait rencontrer un gentil petit gars qui, fou amoureux, allait la demander en mariage et lui faire les beaux enfants dont elle rêvait. Elle aurait vite fait de l'oublier car les Humains, et le caractère de Mia était plus Humain que n'importe qui d'autre, avaient la mémoire courte. Alors que lui, il n'oublierait jamais. Et il souffrait déjà de savoir qu'il ne serait pas l'homme avec qui la jeune fille se réveillerait le matin, qu'il ne serait pas le père de ses enfants. Et il mourait de jalousie à l'idée que quelqu'un d'autre le soit à sa place.

Hugo quitta la douche avec fureur. Pourquoi avait-il fallu que Béa rouvre cette fichue boîte ! Mia était son fléau, le fardeau qu'il portait et qui entravait l'accès à son bonheur. Parfois, dans des moments de lucidité intense, il désirait ne l'avoir jamais rencontrée. Il s'essuya les cheveux et décida résolument de fermer la boîte de nouveau. Pas question de redevenir l'ombre de lui-même une fois encore. Si Béa ne comprenait pas que Mia lui était interdite et qu'il était trop douloureux pour lui de penser à elle, tant pis. Mia vivait bien tranquillement sur Terre et lui, devait refaire sa vie du mieux qu'il pouvait. La savoir en sécurité était tout ce qu'il demandait.

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