Chapitre 20 : Le mariage

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Mia

            Mia voyait la place du village pour la première fois et elle imaginait bien qu'elle ne ressemblait pas du tout à cela en temps normal. Elle-même ne se reconnaissait pas alors qu'elle se connaissait par cœur. Ce matin, en s'observant dans le premier miroir qu'elle voyait de puis longtemps, elle avait fermé les yeux de crainte, quand son visage lui était apparu comme celui d'une étrangère. Ses yeux couleur du miel étaient cernés et il lui avait fallu une bonne dose de magie pour les dissimuler. Ses traits étaient creusés par la fatigue et le confinement. Son corps aussi avait changé : non plus sportif et sculpté, il était amaigri et mou, prêt à s'écrouler à la première occasion. Et ses ailes, elle n'y était toujours pas habituée, des ailes d'une blancheur qui lui faisait peur et qui bruissait à chacun de ses mouvements. Pour l'occasion, Hector lui avait fait porter une robe d'une grande splendeur, d'une belle couleur dorée assortie à ses yeux et qui avait le mérite de la remplumer au niveau des hanches et de dissimuler ses jambes dont elle avait honte. Seuls ses bras apparaissaient encore, mais elle les couvrirait dès la sortie d'un châle ocre pour se protéger de la neige qui tombait dru et menaçait de lui faire tomber doigts et orteils.

            Mia était encadrée de Vitto qui ne la quittait pas depuis que Kellan l'avait désertée et d'un autre plus jeune qui semblait désolé pour elle. Son cœur battait à cent à l'heure, car elle savait qu'elle arrivait en bonne dernière, comme le désirait le Révérend. Non content de lui faire subir pareille épreuve que celle de voir l'homme qu'elle aimait se marier à une autre, il fallait qu'il la place au centre de toute l'attention.

-       Tu es prête ? Chuchota Vitto en se penchant à son oreille.

-       Prête ? Murmura-t-elle, au bord de l'hystérie. Tu crois que je suis prête pour ça ?

-       Désolé.

-       Non, ce n'est rien. Allons-y.

Ils se tenaient immobile devant l'immense tente blanche qui servait d'office et ils étaient dissimulés par les pans de tissu qui séparait intérieur d'extérieur.

Quelque part à l'intérieur, Hugo se tenait debout près d'un autel, prêt à prononcer ses vœux. Beau comme jamais, il serait revêtu de blanc et il lui crèverait le cœur car elle savait que comme elle, il ne pourrait s'empêcher de la regarder. Elle, en tout cas, serait obligée de le couver du regard, de s'abreuver de son image jusqu'à ce qu'il ne soit à jamais perdu, lié pour toujours à une autre, qu'elle soit forcée de tirer un trait sur ce qu'elle avait cru éternel. Et quand elle sentait l'ampleur de son amour, elle était convaincue que jamais elle se remettrait de cette perte. Hugo était son homard. Elle avait lu dans un livre que quand un couple de homards se formait, c'était pour la vie. Et bien pour elle, c'était ça. Ils s'étaient mis en couple et même si maintenant, ils étaient appelés à être séparés, il resterait pour toujours le seul homme qu'elle aimera jamais.

Mia prit une profonde inspiration, ferma les yeux un instant, puis elle rajusta ses gants en soie et adressa à Vitto un regard affirmé. Quand il fallait se jeter dans la cage des lions, il fallait le faire, et il n'était plus temps de reculer. Le jeune soldat se glissa devant d'un accord tacite et repoussa les pans de la tente. Mia lui emboîta fébrilement le pas tandis que Vitto se plaçait derrière elle, fort comme un roc et tout près d'elle. Elle pouvait sentir son souffle sur sa nuque et cela la rassurait. Ils entrèrent. Et elle ouvrit de grands yeux. Tout, vraiment tout, était blanc. Les bancs sur lesquels les villageois étaient installés, le sol, les lustres, les tables et l'estrade sur laquelle la famille Levi au complet se tenait. Une unique allée y menait, saupoudrée de pétales de roses blanches et seuls les invités faisaient tache avec leurs costumes bigarrés. À mon entrée, tous les invités se retournèrent en applaudissant, persuadés que ce serait la mariée, mais les sourires réjouis s'évanouirent quand on la vit. Mia, la fille sous escorte, au visage fatigué, et dont les ailes fuselées et plus fines prouvaient qu'elle n'était pas des leurs, qu'elle n'était pas une Ange normale mais une Revenante. Les regards se firent méprisants et dédaigneux et Mia sentit toute la haine qui entourait les êtres de son acabit. C'était encore pire que d'être Déchu, visiblement.

Retour aux Origines (Tome 2)Where stories live. Discover now