Chapitre 11 : Mia

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- À ton avis, il veut quoi, ce fichu Révérend ? Interrogea Mia.

Mia et Kellan se prélassaient au milieu de leur cellule, dans une flaque de lumière que laissait passer leur petite fenêtre. Voyant que leurs conditions de vie s'étaient nettement améliorées depuis l'arrivée de Mia, Kellan avait fini par accepter de laisser les rideaux ouverts. Il ne craignait plus les méchantes farces des gardes. Gros avantage d'avoir pour partenaire de cellule une Revenante.

- Asseoir son autorité, je suppose. Murmura Kellan en jouant avec les doigts fins de son amie. Quand je suis arrivé, il n'a pas attendu trois jours avant de venir me faire comprendre que j'étais à son entière disposition et que ma vie dépendait de son bon vouloir. Je suis d'ailleurs étonné qu'il ait attendu tout ce temps.

- Il t'a dit quoi ?

- Ne crois pas qu'il sera tendre. Il va essayer de te faire mal et de te faire détester Hugo. Ça va sûrement marcher en partie, comme moi, je suis partagé entre la rancœur et l'amour envers Stéphanie. Il ne t'épargnera nul tourment.

Mia se tut, la gorge serrée. Depuis qu'on lui avait annoncé la visite du Révérend, elle se sentait fébrile, l'estomac noué, une boule dans la gorge. Elle s'était déjà fait une idée précise du genre d'homme qu'était le grand-père de Hugo, froid, sans pitié, arrogant, et elle redoutait de se trouver en face de lui. Elle pressentait, et à juste titre, qu'elle n'en sortirait pas indemne, ne voyant pas en elle un caractère suffisamment fort pour tenir tête à quelqu'un désirant coûte que coûte la faire crouler. Et si ce quelqu'un était de la stature de Hector Harrow, il allait immanquablement ne faire qu'une bouchée d'elle.

Quant à l'amener à détester Hugo, si ce n'était pas déjà chose faite, il n'aurait aucun mal à y parvenir. Durant les deux semaines passées enfermées dans sa cellule et plus largement dans la BI, comme on disait ici, en plus de se mettre tout le sexe masculin dans la poche, gardes et codétenus confondus, elle avait eu tout le temps de repenser à ce que le garçon lui avait infligé. Admettons que Kellan ait raison, admettons que Hugo l'avait bel et bien aimée un jour, et qu'il n'ait pas eu voix au chapitre quand son grand-père lui avait imposé ce miracle. Même si c'était vrai, ce qu'elle ne pouvait croire, Hugo savait depuis déjà de longs mois quand il lui avait avoué ses sentiments et il le savait quand il lui avait dit devoir partir pour Lille mais qu'il reviendrait souvent la voir. Il savait qu'une femme l'attendait et il savait qu'il n'irait jamais dans la ville du Nord de la France quand il avait poussé le vice jusqu'à lui mentir quant à l'existence d'une autre femme dans son autre vie. Mais le plus méprisable à ses yeux, c'était qu'il ait forcé son frère et sa sœur au silence, les poussant eux aussi à la trahison. Mais c'était admettre qu'Hugo avait nourri d'humbles sentiments à son égard et ça, c'était impossible à ses yeux. S'il l'avait un tant soit peu aimée comme il s'était plu à le lui répéter presque à outrance – autre signe indiquant qu'elle s'était tout ce temps fourvoyée – jamais il n'aurait eu l'égoïsme, la cruauté de bercer son cœur d'illusions. Ce n'était pas qu'elle refusait catégoriquement d'accepter l'idée qu'il pût réellement l'aimer, simplement, elle était bien trop blessée par ce qu'il lui avait imposé, par la douleur qu'il lui avait sciemment occasionnée.

Mia soupira et ramena ses pieds contre ses fesses. Quand et comment en était-elle arrivée à loger dans la cellule d'une des prisons séraphine et à tout faire pour oublier que l'homme qui régnait en maître absolu sur son cœur préparait en ce moment-même son mariage avec une autre fille, sa cousine qui plus est ? Quand Kellan était d'humeur taciturne, quand il n'y avait pas ses amis les gardes pour lui rendre le sourire ou Sissy pour lui changer les idées Mia s'allongeait sur sa couchette, croisait les bras derrière la tête et fermait les yeux.

Retour aux Origines (Tome 2)Where stories live. Discover now