Chapitre 6 : Les arbres jumeaux

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Le cheval était à terre, abattu par une flèche. Le jeune homme se relevait. Ses habits étaient tachés par l'herbe et la terre et quelques égratignures barraient ses bras. Il dégaina maladroitement son arme et se mit en garde contre trois individus masqués par un foulard. Il les fixait avec peur et indécision. Ces derniers armés de courtes épées ne laissaient aucun doute sur leur motivation. Ils étaient là pour le tuer.

Ils chargèrent.

Le jeune guerrier para un coup et esquiva une autre attaque. Son entrainement portait ses fruits. Il enchainait les parades sans difficulté. Malgré son maudit jeu de jambes. Seule l'expérience lui faisait défaut. Mais l'épée compensait cela. Ses adversaires l'avaient sous-estimé. Ils le comprirent lorsque le premier d'entre eux perdit un bras, puis fut transpercé. Le garçon s'arrêta, hagard. Ses agresseurs également. Ils se reprirent aussitôt et chargèrent. Ils furent défaits en cinq mouvements. Le dernier s'effondra dans une mare de sang.

Le jeune homme tomba à genoux et lâcha l'épée. Il observa ses mains écarlates. Elles tremblaient. Tout comme son corps. Sa respiration était sifflante, saccadée. Il réalisait ce qu'il avait fait. Et cela l'horrifiait. Il avait dû, pour la première fois, se battre pour sa vie. Se battre pour en ôter une. Elle compatissait avec lui. C'était une épreuve que tout bon guerrier devait passer. Mais elle n'en restait pas moins traumatisante. Des cavaliers arrivèrent au triple galop. À leur tête se tenaient un vieillard et un chevalier, le maître du garçon. Ce dernier s'était relevé à toute hâte en les entendant. Il n'avait pas réalisé qu'il s'agissait d'amis et non d'ennemis. Il reprit son arme et se prépara à attaquer. Le vieillard descendit de sa monture et s'avança doucement, les mains en l'air pour l'apaiser. Il lui parlait avec calme. Arrivé à sa hauteur, il lui toucha le bras et l'incita à abaisser sa lame. Le jeune homme tremblait toujours. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Il s'effondra puis tomba, inconscient.

                                                                       ***

Les kilomètres défilaient à toute vitesse derrière la fenêtre du train. Adrian s'était assoupi et Selena admirait la vue. Plus la Bretagne se rapprochait, plus les paysages se remplissaient de végétation et de petites maisons grises. Les nuages de Paris laissaient place au soleil vivifiant et au ciel bleu d'été. Ils atteignirent rapidement la ville de Rennes et changèrent de train. Ils finirent par prendre un taxi qui devait les mener directement chez eux.

Le nez collé contre la vitre de la voiture, Selena scrutait la route à la recherche d'une habitation isolée en pierre. La forêt de plus en plus présente signifiait qu'ils étaient proches de l'arrivée. Selena la vit enfin. C'était en réalité un ancien moulin en bordure de la forêt de Brocéliande. Son aspect désuet le rendait peu avenant, mais Selena adorait ce bâtiment entouré de verdure et à côté duquel coulait un petit ruisseau. Sans attendre, elle s'éjecta de la voiture et s'engouffra à l'intérieur de la maison pendant qu'Adrian payait le taxi.

Elle y trouva un désordre épouvantable. La poussière était omniprésente, la vaisselle débordait dans l'évier et des livres étaient éparpillés dans toutes les pièces. Le moulin n'avait pas dû voir passer une serpillière depuis bien longtemps... Adrian avait beaucoup de qualités, mais il était incapable de tenir une maison propre. Pour sa défense, son travail lui prenait beaucoup de temps. Il y passait ses journées et quelquefois ses nuits. Il était parfois comme possédé. Sans personne pour lui dire de manger ou de faire des pauses, il s'écroulait sous la fatigue. Selena avait eu l'habitude de s'en occuper, mais après son départ pour Paris, il s'était retrouvé seul. Lorsque sa nièce revenait pour les vacances, elle retrouvait une maison en bazar et un oncle amaigri. Mél passait de temps en temps, malgré les refus intempestifs d'Adrian, trop fier et têtu pour lui demander de l'aide. Cela n'empêchait pas Mél, sa pire ennemie, de passer à l'improviste faire un peu de ménage, remplir le réfrigérateur et ranger les affaires de l'historien en modifiant leur emplacement. Entendre râler Adrian était l'un de ses passe-temps favoris.

Le Sidh - Les héritiersWhere stories live. Discover now