21 : La fête nationale devant le travail de Gabin.

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Agathe a sonné sur le coup d'onze heures. C'était le rituel : elle arrivait le matin, on passait toute la journée ensemble, et le soir, ma mère venait s'assurer qu'on avait de quoi manger. Si je ne travaillais pas, on dînait ensemble dans mon appartement. Si je travaillais, je dormais chez elle car elle habitait plus près de la pizzeria. Ce matin-là, je m'étais levé tôt, habitué au rythme matinal que je m'imposais. J'ai été lui ouvrir, et aussitôt, les yeux de ma petite amie se sont posés sur la casserole qui gisait sur la table.

─ S'il te plaît, ne me dis pas que tu as mangé des pâtes au petit-déjeuner.

J'ai été tenté de mentir, mais comme il restait un fond dans la casserole, je ne pouvais pas me cacher.

─ Eh, on peut pas me reprocher de pas cuisiner, ai-je argumenté.

Agathe a souri, avant de se retourner pour me sauter dans les bras et m'embrasser. Je suis resté un moment immobile, surpris de cet élan d'affection soudain. Je lui ai rendu son baiser, et l'ai savouré ; même après cinq mois de relations, à obtenir tous les câlins et bisous que je voulais, chaque nouveau geste me faisait l'effet d'une décharge apaisante.

Toujours pendue à mon cou, Agathe a levé des yeux sur moi.

─ Ma mère m'a confirmé qu'on irait manger à la pizzeria ce soir. Et à minuit, je viendrais te chercher pour aller voir le feu d'artifice.

─ Génial, ai-je dit.

Nous étions le 14 juillet, jour de fête nationale. Le restaurant allait être bondé. C'était une bonne idée de la part d'Agathe d'inviter ses parents à venir me voir travailler, mais j'allais à peine avoir le temps de leur dire bonjour. Agathe a paru soudainement gênée, je voyais bien qu'elle me cachait quelque chose. Je l'ai interrogée du regard, elle s'est mordue la joue.

─ Et... on a invité Charlène et Olivier.

─ Quoi ?

J'ai eu un mouvement de recul, le visage en décomposition. Je n'avais toujours pas parlé à mon frère. On s'évitait au maximum. Ni moi, ni lui ne faisions d'efforts pour se voir. Ma mère avait bien tenté de nous mettre dans la même pièce et d'attendre. En vain. On ne s'adressait pas la parole. Ça partait d'un truc stupide en réalité : il me reprochait d'avoir fait de la mort de papa un problème trop personnel, et je lui en voulais de ne pas avoir respecté mon chagrin. Oui, c'est vrai, j'avais réagi plus publiquement que lui, je parlais aux autres de la mort de mon père. Et alors ? On avait toujours su que j'étais l'extraverti de la famille. Si j'avais besoin qu'on me donne des conseils et qu'on me console, qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Lui agissait comme si rien n'avait jamais eu lieu, comme si on n'avait jamais eu de père, et je ne disais rien.

Agathe m'a attrapé le poignet, comme pour s'assurer que je ne m'enfuierais pas.

─ Il va falloir que tu parles à ton frère, à un moment. Vous étiez super complices avant.

J'ai secoué la tête. Je ne me sentais pas prêt à l'affronter. Je n'avais pas envie de le revoir, et de supporter ses accusations, alors que, clairement, je n'étais pas en tort dans l'histoire. Malheureusement, mon frère avait la tête aussi dure que moi, et de l'autre côté de la ville, il devait tenir le même discours. Les disputes entre frères me paraissent toujours être celles qui mènent à le plus de rancune.

Agathe s'est avancée à nouveau, attrapant mon visage pour me forcer à la voir. La vue de ses traits m'ont détendu, mais comme j'étais toujours énervé contre elle à cause du coup qu'elle venait de me faire, j'ai regardé ailleurs, pour ne pas m'attendrir.

Les 24 états d'âme de Gabin et Agathe.Where stories live. Discover now