24 : L'anniversaire de mariage de la sœur d'Agathe.

33.9K 4.2K 1K
                                    


─ Tu es au courant que, statistiquement, tu as plus de chances de croiser quelqu'un avec qui tu as déjà couché à un anniversaire de mariage qu'à une réunion d'anciens élèves ?

J'ai levé les yeux sur Gabin, qui attendait ma réponse avec un sourire malicieux.

─ Je suis heureuse de t'annoncer que, pour une fois, je rentre dans les statistiques.

Il a simplement ri. Un éclat de voix cristallin. Rien de plus. J'aurais cru qu'avec le temps, je me serais habituée à tous ces détails, qu'ils seraient devenus anodins : son timbre au réveil, la coupe de ses cheveux, et la manière dont il se cachait les yeux quand il était secoué d'un violent fou-rire. Et pourtant, à chaque fois que je captais un de ces instants précieux, j'avais le sentiment de le découvrir à nouveau.

Un an. On s'était rencontré un an auparavant, jour pour jour, devant l'église du village. À cette époque, on avait tous les deux l'idée que la journée qu'on allait passer se révélerait bien ennuyante, dans tout ce monde de petits fours et jolies tenues. On s'était tous les deux habillés de couleurs sombres, sans même se connaître. À croire que c'était déjà écrit.

Au moment où Gabin m'avait adressé la parole pour la première fois, j'avais vu en lui un lourdingue de plus, avec qui il faudrait faire pendant deux jours, dans l'espoir de ne plus jamais le revoir. Le mec avait persévéré, et voilà où ça nous avait menés. Comme quoi, les premières impressions ne sont pas nécessairement les bonnes. C'est peut-être la première leçon à tirer de ma rencontre avec lui.

Gabin a porté le verre de champagne versé par mon grand-père à sa bouche. Le geste a attiré mon attention. Si on m'avait dit, il y a un an, que ce gars allait un jour boire du champagne, et serait capable de le faire avec style, je vous aurais probablement ri au nez. Et pourtant, à cet instant, il portait une autre chemise de son père – il ne les quittait plus –, il avait eu la flemme de se raser, et son regard pétillait d'une maturité récente. Ce n'était pas qu'il faisait plus que ses dix-huit ans, c'était qu'il semblait largement plus vieux, plus sage, que lors de notre première rencontre. J'étais plutôt fière de lui pour le chemin qu'il avait parcouru, et tout ce qu'il avait porté sur ses épaules, même si j'aurais souhaité qu'il y parvienne à ce résultat par un autre moyen. Pas en perdant son père et en étant largué avec brutalité dans la vie d'adulte.

Il a dû remarquer que je le fixais, parce qu'il a froncé les sourcils.

─ Pourquoi tu me regardes ? Tu m'admires en te disant que je suis la plus belle chose qui te soit arrivée ou tu penses à rompre avec moi ? Parce que j'arrive pas à déterminer à quoi tu réfléchis.

Dans un simple sourire, j'ai secoué la tête.

─ Tu réponds pas à ma question, m'a-t-il reproché. OK, cligne des yeux une fois si tu m'aimes, deux fois si je te soûle.

J'ai éclaté de rire.

─ Donc toi, tu fermes carrément les yeux. C'est très impoli, Agathe. Si tu veux rompre, fais le au moins en suivant les règles.

J'ai attrapé son cou pour l'attirer à moi, et l'embrasser sur le front.

─ Mais non, n'importe quoi ! Je ne me séparerai jamais de toi, ai-je dit dans un sourire.

─ Jamais ? C'est une sacrée promesse, ça. Ça veut dire que même si je deviens chauve, avec un bide à bière, tu seras toujours prête à m'aimer ?

─ Tant que toi, tu le seras quand je mettrais des pantoufles roses et des blouses à fleurs, ai-je plaisanté en retour.

─ Si tu me laisses t'emprunter ces pantoufles, je vois pas de problème.

Les 24 états d'âme de Gabin et Agathe.Where stories live. Discover now