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J'ai bien vu qu'elle me prenait pour le dernier des crevards, mais j'ai souri — encore — et je lui ai raconté la rue où on habitait, sa boite aux lettres orange, le bus du lycée, les livres qu'elle lisait. C'était vrai, on avait été voisins.

« Mais... je ne vous avais jamais vu auparavant. »

Je m'attendais à tout, sauf à ça. Sourire quand même. Envie de partir.

Mais elle m'a retenue :

« Est-ce que vos parents habitent toujours à côté des miens? Vous savez s'ils... vont bien ? »

Alors on a parlé. De ses parents, des miens. De tous ces trucs qu'on fait quand on est gamin. Elle avait même pas fini ses études quand elle s'était barrée de chez elle. Besoin de large. Et puis... elle venait de tomber enceinte d'Émilie. Comme elle n'avait jamais donné de nouvelles, ils ne savaient même pas qu'ils étaient grands-parents. À l'époque, je l'avais prise pour un ange, Angeline, mais c'était rebelle. Une vraie.

On a continué comme ça un petit moment, à parler des potins du quartier. Pour une fois que les conversations avec ma mère me servaient à quelque chose ! Angeline souriait. Émilie jouait avec un ballon. C'était sympa. Et même un peu plus...

J'en étais à raconter les anecdotes du chantier d'à côté, me foutant de la gueule des futurs voisins qui avaient prévu un garage trop étroit pour leur 4x4 quand il y a eu un blanc.

« Vous devriez leur dire. Pour Émilie. »

Ça n'est venu comme ça, de nulle part. Ou peut-être d'elle. Comme si j'avais pu capter quelque chose dans tous ses sourires un peu tristes. Quel con ! Va relancer la discussion après lui avoir mis le moral dans les chaussettes...

Au moment de partir, la petite Émilie m'a lancé son ballon, mais j'ai pas réussi à le choper et il a traversé la route.

C'est la dernière chose dont je me souviens.

Les chaussettes de la voisineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant