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« Tu devrais lui dire si elle te plait, m'a dit mon père, un jour où Angeline devait passer.

— Ça sert à rien, je lui plais pas.

— Alors pourquoi elle vient te voir ? »

J'ai haussé les épaules. Comment lui expliquer que j'avais parfois l'impression qu'elle me voyait pas vraiment, Angeline, même quand elle était en face de moi.

«  Ou bien c'est qu'elle ne te plait pas, à toi. Sinon, pourquoi tu fais pas l'effort d'être présentable. »

Des efforts. Tout le monde avait ce mot à la bouche. C'était ma faute, à moi, si la rééducation ne donnait rien et que j'avais toujours aucune sensation dans les jambes ? Ma faute, si la machine à laver était trop haute pour que je puisse y mettre du linge ? Ma faute, si mettre un jogging moisi était plus facile que d'enfiler un jean propre ? Ma faute, si le miroir de la salle de bain était trop haut pour que je puisse m'y voir ?

Même ma mère s'y mettait avec ses histoires de reconversion professionnelle. J'étais déjà pas gâté par la vie et elle voulait que je me la pourrisse davantage avec des cours inutiles ?

J'en avais marre.

Alors, ce jour-là, je ne me suis pas rasé. Fallait pas abuser. Mais, juste comme ça, pour voir, j'ai quand même enfilé un jean.

Et puis j'ai attendu.

Longtemps.

Les chaussettes de la voisineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant