5. Un hôte insupportable

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Je sursautai violemment. Devais-je me retourner et faire face à... ce mannequin? Oui, peut-être, mais je n'osais pas le regarder, sinon c'était la crise cardiaque assurée. J'inspirai profondément, m'apprêtant à m'exposer à une mort certaine. Mais je ne fus pas assez rapide, il me parla avant même que j'aie le temps de le regarder;

-Est-ce un rêve?

Cette voix me donna des frissons. Elle était si douce, si innocente. Si enfantine. Je me retournai brutalement et fus stupéfaite de ne pas voir ce mannequin. Devant moi, se trouvait un petit garçon, auquel je donnerai entre cinq et sept ans. Son aspect était terrifiant; son teint gris et ces cernes violacées lui donnait un véritable air de spectre. Ses joues d'habitude presque dodues, comme chez les enfants de son âge, étaient si creusées! Et sa posture faisait peine à voir; son dos était vouté et ses bras légèrement pliés, comme si il n'avait pas assez de peau pour les lâcher totalement.

Je baissai les yeux et lorsque je vis sa main, qu'il avait posée sur mon bras, j'en fus presque choquée. Elle était grise, squelettique, absolument abominable.

-Hein? C'est ça? C'est un rêve? me répéta-t-il, d'un air désespéré.

-Je...euh...non, ce n'est pas un rêve, lui répondis-je sèchement, malgré moi.

Il me regardait de ses yeux éteints, comme s'il attendait à ce que je dise encore quelque chose. Et c'est ce que je fis;

-Comment t'appelles-tu?

-Mathias, enfin je crois.

-Comment ça, tu crois? Tu n'en es pas sûr? m'exclamai-je.

-Bah après un mois passé ici, je suis plus sûr de rien, à vrai dire...

-Pardon?! Ça fait un mois que t'es enfermé ici, et personne n'est venu te chercher depuis, même pas tes parents? m'étranglai-je.

-Non, ils ont pris mes parents, et ma tante! Et je sens que je vais bientôt y passer aussi... me dit-il d'un air penseur.

-"Ils"? Qui ça "ils"? Et comment peux-tu te dire cela?

Ce garçon semblait de plus en plus étrange. Et je me demandai même si, effectivement, ce n'était pas un rêve que j'étais en train de vivre. Pour le vérifier, je me pinçai discrètement le bras, ce qui confirma que je ne rêvais pas. Malheureusement.

-Je peux pas le dire, c'est trop dangereux. Mais ils nous voient, nous écoutent, nous surveillent, me chuchota-t-il.

C'était certain, ce petit débloquait complétement. Peut-être voulait-il parler des caméras de surveillance qui se trouve dans le magasin? Si c'est le cas, elles ne restent sûrement pas allumées pendant le week-end. Et qu'avions-nous à craindre si l'on était filmé? Absolument rien.

-Bon, écoute. Mon frère m'attend là-bas, alors tu vas venir avec nous. Je veux pas que tu restes ici seul une seconde de plus. On va te nourrir et tout se passera bien, d'accord? lui dis-je calmement.

-D'accord.

Je n'étais pas vraiment enchantée à l'idée de devoir héberger ce gamin qui perdait la raison, mais je ne voulais pas avoir sa mort sur la conscience. Nous marchâmes donc jusqu'à notre cabane, sans échanger le moindre mot. Mais je sentais son regard posé sur moi, ce qui me rendait terriblement mal à l'aise. Je tentai de le regarder moi aussi, mais je fus obligée de détourner les yeux. Il avait vraiment quelque chose d'étrange ce gamin...

Une fois arrivés, je me dirigeai directement vers mon frère, pour lui expliquer la situation. Il ne sembla rien trouver d'anormal à Mathias, et accepta sans hésiter de le garder auprès de nous.

-Voilà, on dort ici, annonçai-je au garçon. Tu pourras dormir dans le coin, à droite.

-Dans le coin? Pourquoi pas au milieu? me rétorqua-t-il sèchement.

-Euh...oui, tu peux, si tu veux, lui répondis-je embarrassée.

Il ne me remercia même pas et alla simplement s'assoir au milieu des coussins, sa place attribuée désormais, avant de lâcher;

-Je trouve que c'est pas très confortable ici, y a pas mieux?

C'était la remarque de trop, j'explosai;

-Pardon?! Vu dans l'état dans lequel tu es, je te conseillerais d'apprécier ce confort!

Contre toutes attentes, Mathias se mit à pleurer, puis à hurler en continuant à pleurer. J'eus une soudaine envie de meurtre, mais je me retins. Mais Alex rappliqua en attendant les cris;

-Qu'est-ce qu'il se passe ici?! s'exclama-t-il.

-C-c'est elle, gémit-il en me pointant du doigt. Elle a dit que j'étais moche!

-Mais j'ai jamais dit ça! m'indignai-je.

-Clara, ça va pas bien dans ta tête, hein! me fit Alex, avec un regard noir.

-Mais vous m'énervez tous les deux, j'en ai marre! m'écriai-je en me dirigeant vers la nourriture.

Et pour couronner le tout, Mathias hurla de plus belle, m'obligeant à revenir vers lui pour lui demander ce qu'il attendait;

-Quoi? Qu'est-ce que tu veux encore?

-J'ai faim, je veux manger.

Je soupirai, exaspérée, et mon frère sembla enfin l'apercevoir.

-Viens, on va aller manger un paquet de chips, dit-il en prenant la main du petit.

Sans laisser transparaitre la moindre émotion, Mathias se dirigea vers le paquet de chips, qu'il empoigna d'une manière presque agressive, avant de dire; "J'aime pas ces chips. Je vais chercher des meilleures."

Et c'est de ce pas, qu'il s'en alla dans les sombres rayons du magasin.

Fashion VictimWhere stories live. Discover now