15. J'avais peur

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Même si cela semblait aller de soi, j’avais peur, très peur.

 J’avais l’impression que j’allais voir surgir d’un rayon une armée de mannequins, qui se précipiteraient sur moi et m’étrangleraient, avant même que j’aie eu le temps de réagir. Cela ne serait même pas étonnant. Les mannequins ne respirent pas, et ne font donc pas de bruit lorsqu’ils sont immobiles. Ils seraient tout à fait capables de me tendre un piège, dans lequel je me dirigerais aveuglement.

 Mais j’étais trop hantée par l’image de Mathias dans la chambre froide pour penser à ma propre vie. Lorsque tout sera à nouveau rentré dans l’ordre et que l’on retournera chez nous, je pourrai penser à moi, et à tout ce que j’aurais accompli en un week-end. Mais pas avant.

 Alors, j’essayai de vaincre ma peur du mieux que je le pouvais, et je traversai les rayons du centre commercial un à un. Je devais m’éloigner le plus possible de la chambre froide, mais tout de même veiller à rester suffisamment proche de la porte de sortie.

 Et si, submergée par le stress, je ne la retrouvais pas? Et si les mannequins arrivaient à m’attraper avant que je sorte? Et si l’ascenseur ne répondait toujours pas, et qu’on ne pourrait jamais sortir de ce magasin?

 Non, impossible, les clients du magasin nous retrouveraient avant, pas vrai? À moins que…

 Au fond, les mannequins avaient suffisamment bien caché Mathias et tous les cadavres pour que personne ne soupçonne leur présence. Ils savaient rester discrets, ils étaient incroyablement rusés pour de simples êtres de plastique blanc, sans grand intérêt en apparence. Comme quoi, cela prouvait qu’il ne fallait pas s’y fier.

 Je réalisai soudain que j’avais continué à avancer pendant tout ce temps d’intense réflexion. Le problème était que je n’avais pas la moindre idée de la distance que je venais de parcourir. Deux possibilités s’offraient désormais à moi: continuer à avancer, en prenant le risque de ne pas retrouver la porte de sortie, ou rester là où j’étais, en risquant de me faire retrouver beaucoup plus rapidement par les mannequins.

 C’était un choix crucial, que je devais faire le plus rapidement possible, car mon frère comptaient sur moi. Tout comme Mathias.

Paniquée et indécise, je décidai de continuer à marcher. Pas beaucoup, quelques dizaines de mètres seulement, peut-être une vingtaine, tout au plus. Puis je m’arrêtai et j’observai. À droite, à gauche, devant, derrière moi, et lorsque je fus sûre de n’avoir personne autour de moi, je me dirigeai vers le rayon le plus proche. Il fallait que j’y trouve un objet capable de faire suffisamment de bruit pour pouvoir interpeller les mannequins. Et oui, voilà où était la principale difficulté de mon plan: tous les cinq mannequins devaient impérativement venir à ma rencontre, sans quoi, tout tomberait à l’eau. Car si un seul des mannequins restait devant la porte de la chambre froide, Alex serait incapable de se battre contre lui. Mon frère était déjà tellement affaibli, je savais qu’il ne ferait pas le poids contre un mannequin.

 Je m’en approchai donc, et vis que le rayon était principalement dédié aux jeux en tout genre. Il y avait de tout, des puzzles, des jeux d’échecs, des jeux de cartes. Perplexe, et n’ayant plus d’autre solution, je commençai à déambuler au milieu du rayon. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir choisir au milieu de tout ça? Le temps défilait, mais je n’avais pas la moindre idée de ce qui pourrait faire du bruit.

 Et soudain, je vis à ma gauche un grand jeu de fléchettes. Je sus instantanément ce que j’allais pouvoir faire avec les petites flèches, accrochées à l’ensemble par un emballage en plastique. C’était exactement ce qu’il me fallait! Mais il me manquait encore une chose.

Fashion VictimWhere stories live. Discover now