8. C'est la vie...

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Je me précipitai sur son corps, craignant qu'il ne soit trop tard.

-Mathias?! Tu m'entends? Répond-moi!

Il ne bougea pas, alors je le pris par les épaules, et commençai à le secouer violement d'avant en arrière. Mais toujours rien. Pas le moindre mouvement. Alors je décidai d'employer la manière forte.

Je le trainai jusqu'à une étagère, et l'appuyai contre celle-ci, de sorte qu'il soit assis et plus ou moins droit. Puis, je m'éloignai de quelques centimètres, levai bien haut ma main, pris de l'élan et lui collai une énorme gifle en pleine figure. J'avais vu beaucoup de gens faire ça dans les films, pour réveiller quelqu'un qui était tombé dans les pommes, par exemple. Bien-sûr, ils le faisaient plutôt doucement, avec quelques gifles mesurées, mais il me semblait plus utile de le réveiller brusquement, vu l'état dans lequel il était. Plus le choc serait violent, plus ses chances de reprendre ses esprits seront élevées.

Malheureusement, ce fut le contraire qui se passa. Au moment de l'impact, sa nuque fit un effroyable craquement, que j'entendis malgré la distance à laquelle j'étais. Puis sa tête fit un angle terrifiant par rapport au reste de son corps, avant de venir heurter le carrelage dans un bruit sourd. Puis, plus rien, mis à part un affreux silence, qui me glaça le sang.

Je restai là, à observer ce que je venais de faire subir à ce pauvre enfant. J'eus soudain une affreuse envie de vomir. Qu'avais-je fait? Je venais de l'achever, alors qu'il était encore en vie il y a quelques minutes. Je venais de tuer une personne innocente, alors que je voulais le sauver! Mais ce n'était pas une personne, non, pire que ça, c'était un gamin de sept ans qui avait encore toute la vie devant lui.

Je ne savais plus quoi penser, je ne savais plus quoi faire. J'avais l'impression d'avoir des jambes de coton. Puis je vis des petits points noirs, qui m'obscurcirent petit à petit la vue, jusqu'à ce que je ne vois absolument plus rien. Je fus obligée de m'assoir.

Mais qu'est-ce qu'il m'avait pris?! Pourquoi l'avais-je giflé aussi fort? J'étais tellement stupide, tellement inconsciente, que je me dégoutais moi-même. Pourtant, je n'arrivais pas à croire à ce que je venais de faire, j'avais l'impression d'être dans un cauchemar et que j'allai me réveiller dans mon lit, chez moi.

Mais non, tout ça n'arrivera pas! J'aurai une mort sur la conscience durant toute mon existence, je ne pourrai jamais revenir en arrière et dire "Non, on y va pas, c'est pas raisonnable de partir par un temps pareil. On ira au magasin une prochaine fois Maman!".

Trop de sentiments se bousculaient dans mon coeur; la frustration, la rage, le désespoir, l'incompréhension. Je ne parvins pas retenir mes larmes, qui tombèrent à grosses gouttes sur mon pull. J'avais envie de mourir. J'étais si désespérée que je commençai à délirer, je me parlais à moi-même;

-Clara? Qu'est-ce qui ne va pas?

-Tout.

-Tout?

-Oui, je vais devoir vivre en ayant tué quelqu'un.

-Tu as tué quelqu'un?!

-Oui, j'ai tué quelqu'un! Je suis une meurtrière, une tueuse d'enfants! Je mérite pas de vivre!

-Tuer quelqu'un est grave, mais tuer un enfant, c'est horrible! T'es horrible!

Je poussai un cri, qui résonna dans tout le magasin. Je parlais à ma propre conscience, j'avais totalement perdu la tête! Je me faisais peur à moi-même, ma santé mentale était dans un état extrêmement critique. Que m'arrivait-il bon sang?!

Je rouvris les yeux, en pensant me réveiller et sortir de cet affreux cauchemar. Mais bien évidemment, je ne vis que le maigre corps gris de Mathias, recouvert de sang. Et je recommençai à pleurer de plus belle.

Puis j'éteignis ma lampe de poche et restai dans le noir, seule, à me morfondre. Je devais être assise là depuis au moins dix bonnes minutes, lorsque tout à coup je sentis une main se poser sur mon épaule.

Je me levai d'un bond et braquai ma lampe de poche sur l'inconnu, terrifiée. Mais je fus soulagée de voir que je me trouvais face à mon frère. Il semblait terriblement inquiet, cela se voyait dans son regard.

-Clara! Quand je t'ai entendu crier, ça m'a fait peur! Je t'ai cherché partout! Ne me refais plus jamais ça, t'es totalement inconsciente!

Sa remarque me fit éclater en sanglots. Il sembla tout de suite désolé;

-M-mais je disais pas ça méchamment, t'inquiète pas! Tu de...

-J'ai tué Mathias.

Il y eut un long silence qui me parut interminable.

-Tu as...? répéta-t-il, en s'imaginant sûrement que je plaisantais.

-Oui, je l'ai tué, fis-je en essuyant mes larmes, de plus en plus difficiles à sécher.

Je lui expliquai brièvement la situation, n'entrant surtout pas dans les détails, pour ne pas me faire culpabiliser d'avantage. Lorsque j'eus fini, il sembla confus. Puis il me dit;

-Bah, si ça se trouve il nous faisait encore une blague, il a juste eu ce qu'il méritait! Et je suis sûr qu'il est même pas mort! Il joue la comédie!

-Mais non, non, non Alex! Il a du vrai sang, partout, des bleus, des marques de coups, il est mort je te dis, je l'ai tué pour de bon!

Alex ne semblait pas convaincu, mais après un moment il soupira et me dit;

-C'est la vie...

Je rigolai sarcastiquement. Il avait vraiment les mots les plus chaleureux du monde lui...

-Non, enfin c'est pas ce que je voulais dire... Bref, s'il est vraiment mort, tu veux faire quoi de son corps?

-Je veux le prendre vers la cabane et le recouvrir d'un drap blanc, qu'il ait au moins un peu de dignité, lui répondis-je, en fixant le corps de Mathias. T'arriverais à le transporter?

Mon frère fit une grimace de dégoût mais finalement il accepta en ajoutant "Ouais, t'as raison, c'est pas très digne de mourir comme ça...".

Je soupirai, essayant de lui faire comprendre qu'il avait plutôt intérêt à la fermer. Il sembla comprendre, car il ne rajouta rien et alla soulever délicatement le corps du petit.

-Il est encore chaud, remarqua-t-il alors.

-C'est normal, ça fait à peine dix minutes qu'il est mort...

-Ouais il refroidira plus tard sûrement. En tout cas il bouge vraiment plus...

-J'avais cru comprendre, merci, lançai-je, exaspérée par ses remarques, toutes plus inutiles les unes que les autres.

Sans dire un mot, nous nous dirigeâmes en direction de notre cabane, puis, après avoir mis le corps de Mathias un peu à l'écart, on se mit à la recherche d'un drap blanc.

Je me sentais tout de suite plus rassurée en présence de mon frère. Il avait le don de me faire sentir en sécurité.

Malheureusement, cette impression disparue bien vite lorsque j'entendis des bruits derrière nous.

-Alex, tu as entendu? chuchotai-je.

-Oui, on est plus seuls et c'est pas Mathias qui nous dira le contraire. Alors ne te retournes surtout pas. Et cours!

Fashion VictimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant