Chapitre 4

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— Bonjour Victor. Vous allez bien aujourd'hui ?

Le docteur Simon était étonnée, car elle ne pensait pas que son patient un peu particulier allait revenir la voir. En fait, elle était même persuadée que Victor avait considéré la séance précédente comme douloureuse, comme inutile, comme une véritable perte de temps, comme beaucoup l'auraient pensé à sa place. Comme quoi, il lui arrivait encore de se tromper, quoique c'était plutôt rare, et que c'était même de plus en plus rare avec le temps. En tout cas, elle était plutôt contente de le revoir face à elle, elle l'aurait presque enterré prématurément, encore une bonne nouvelle aujourd'hui.

— Bonjour docteur. Oui. Enfin oui, oui ça va... enfin non, je suis pas sûr. Mais de toute façon, je suis jamais sûr, alors on peut dire que je vais bien. Enfin j'imagine. Enfin non, non je vais bien. Je crois.

— Il s'est passé quelque chose dernièrement ? demanda la vieille dame. Vous voulez un chocolat ?

Victor entremêla ses doigts douloureusement, il n'osait pas trop parler, c'était difficile pour lui, et le docteur Simon espérait que cela allait changer un jour. Du moins, elle ferait en sorte que ce changement se produise, elle y tenait tout particulièrement, c'était la raison de son métier après tout, son objectif en tant qu'être humain que d'aider les autres êtres humains à aller mieux. Elle se surprit à se demander si elle n'avait pas quelque chose à compenser, et chasser aussitôt ces pensées de sa tête : elle avait posé une question à son patient, et elle attendait une réponse.

Par deux fois, la bouche de ce dernier avait commencé à s'ouvrir, pour finalement se clore d'un coup. Au bout d'une dizaine de secondes, il parvint à articuler quelque chose, les mains et les traits crispés, les yeux baissés au sol, alors que pourtant il faisait des efforts pour y arriver. Il fit beaucoup de peine au docteur Simon, qui mit ces sentiments de côtés, elle ne pouvait pas se permettre d'avoir quelques affects pour ce jeune homme, sinon elle ne pourrait pas le soigner. Enfin, améliorer un peu son état de santé mentale. Mais ils allaient y arriver ensemble, Victor semblait un peu déterminé à venir la voir, il faisait ce pas vers elle, ce qui était déjà beaucoup.

— Je voudrais bien un chocolat. Enfin, si vous en avez. Bien sûr que vous en avez, sinon vous ne m'en auriez pas proposé, hein docteur ? Je pense des choses bêtes. Désolé. Oui, je prendrai un chocolat. Merci docteur. J'aime bien le chocolat, c'est doux.

— Je ne pense pas que vous dites des choses bêtes Victor. Vous savez, il m'est déjà arrivé plusieurs fois de proposer des chocolats que je n'avais pas, par réflexe. Attendez, je vous en prépare un.

Et Marguerite Simon se leva, prit l'une des capsules qui se trouvaient dans un grand bol bleu clair sur une étagère à sa droite, pour la mettre ensuite dans sa machine à café. Une fois de plus, elle mit une petite tasse à motif de fleurs en-dessous, et mit en route la cafetière, avant de tourner son visage vers son patient, pour observer ses réactions. Ce dernier avait l'air un peu moins tendu qu'avant, pas grand-chose, mais c'était déjà ça de pris. Tant mieux, tant mieux, il fallait poursuivre sur cette voie, et le chocolat allait aider, un peu. Le lait le calmerait rapidement. Ou du moins, il allait réduire un peu son stress, ça marchait pour la grande majorité des gens. Enfin, peut-être. Non, non, le lait calmait tout le monde, sauf ceux qui ne pouvaient pas le digérer, mais c'était tout de même rare.

Le bruit de la capsule en train d'être percée rassura un peu Victor, ce son caractéristique lui permettait de remettre un pied dans la réalité, au milieu de cette salle qui semblait faire tout pour ne pas l'oppresser, sans réussir cependant.

Le docteur lui tendit son chocolat, et Victor le prit avec appréhension, craignant la chaleur du contenant. Il avait plutôt raison de prendre des précautions, la tasse était brûlante. Mais il en était heureux, sans trop savoir pourquoi. Peut-être était-ce parce qu'il avait toujours apprécié la chaleur des tasses de chocolat chaud entre ses mains. Peut-être bien oui. Quant à savoir pourquoi, ça ne lui revenait pas, il n'avait pas encore trouvé sa madeleine de Proust. Mais ça devait avoir un rapport avec sa grand-mère. Peut-être.

La Vie en roseWhere stories live. Discover now