Chapitre 5

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Une femme sortit de l'appartement de Victor, elle venait d'écouter une fois de plus de l'Edith Piaf, pour ne pas changer. Aujourd'hui, c'était Mon manège à moi qui l'avait accompagné pendant ce début de matinée, elle l'appréciait pour sa joie et son insouciance manifeste, au moins c'était une chanson qui finissait bien et qui mettait de bonne humeur tout en donnant de l'entrain. Et de l'entrain, il lui en fallait, puisqu'elle avait la prétention d'impressionner Pierre-Emanuel Juste aujourd'hui, ce qui n'était pas une prouesse de facile à réaliser, loin s'en fallait. Mais bizarrement, elle était certaine de la réussite de son entreprise, il fallait dire qu'elle avait mis les bouchées doubles pour atteindre son objectif.

Pour commencer, elle avait choisi une tenue particulière qui la mettait formidablement bien en valeur sans la rendre ridicule, et dont elle savait qu'elle allait plaire au metteur en scène. Puis, elle avait travaillé sa démarche, et le résultat était à la hauteur de ses attentes : on aurait dit une véritable lady. Si avec ça elle ne le faisait pas tomber à la renverse, alors c'était qu'elle s'était trompée sur toute la ligne. Mais bien sûr, cela ne pouvait pas arriver : dans cette tenue et avec la chanson du petit moineau dans la tête, comment pouvait-elle échouer ? C'était tout bonnement impensable. Et même si on pouvait quand même le penser, ç'était parfaitement absurde et insensé.

A voir sa manière élégante mais néanmoins vive de se déplacer, on comprenait qu'elle était un peu pressée, mais que sa nature profondément bourgeoise la poussait à conserver un air supérieur et distingué face aux autres, pour ne pas avoir l'air d'une dinde qui cours après le grain. Sans un minimum d'entrainement au préalable, elle aurait été ridicule, même elle en aurait ri. Jaune bien sûr.

Elle avait quitté l'appartement avec un retard de cinq minutes pour parachever son maquillage, ce qui expliquait sa marche rapide. A ce sujet elle avait été un peu prétentieuse et trop sûre d'elle en n'ayant pas prévu assez de temps en plus au cas où elle aurait dû rattraper une erreur, ce qui fut malheureusement le cas : son rouge à lèvre avait débordé, et elle avait été obligé de tout recommencer depuis le début. Au moins maintenant elle se plaisait quand elle se regardait dans le miroir de la salle de bain. C'était un passage obligé pour plaire à Pierre-Emanuel, il la pointerait du doigt sinon, et peut-être même qu'il exploiterait ce geste de sa part pour faire une petite plaisanterie gênante, comble de l'horreur ! Il valait mieux éviter une telle catastrophe, surtout aujourd'hui, jour décisif pour pousser le metteur en scène à sortir un « oh ! » d'admiration. Mais elle y était déjà arrivée une fois, alors elle pensait bien pouvoir réitérer cet exploit.

Elle portait des escarpins noirs très chics, mais avait un peu de mal à marcher avec, elle n'avait pas vraiment l'habitude, elle qui se trouvait toujours à plat. Finalement, elle parvint à se stabiliser au bout de quelques pas dans la rue, elle s'en sortait relativement bien, en tout cas bien mieux que prévu. Elle portait également une robe noire très élégante, qu'on aurait dit en satin, mais ça n'en n'était pas tout à fait, on aurait plutôt dit un genre de matière composite toute douce, inconnue au bataillon, mais cependant raffinée. En tout cas, cette robe lui allait très bien, et même si la jeune femme n'avait que très peu de poitrine, son vêtement la mettait bien en valeur sans en montrer un seul centimètre carré, décence obligeait. Parce qu'en effet, il fallait être décent si l'on voulait montrer sa valeur en ce monde, l'exhibition trahissait inévitablement une nature corrompue et mauvaise, tout ce qu'elle n'avait pas bien entendu. En plus, Pierre-Emanuel Sujet n'aimait pas les gens qui s'exhibaient, raison de plus pour faire propre et correcte.

Elle avait une écharpe de renard blanche autour du cou, une écharpe en fausse fourrure bien sûre, elle trouvait cruel de faire du mal aux animaux pour s'habiller alors qu'on pouvait faire autrement depuis longtemps déjà. Ou du moins, elle faisait mine de trouver la chose cruelle, il fallait bien faire en sorte que les gens la considèrent comme quelqu'un de correct, or porter de la véritable fourrure était tout sauf correct ces temps-ci. Même son gros manteau noir était faux, un gros tas de plastique qui faisait joli sur elle, mais qui aurait peut-être rendu n'importe qui d'autre laid comme un pou. L'écharpe était longue, toute douce, et lui tenait chaud comme jamais, au moins elle ne risquait pas de tomber malade après avoir pris froid.

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⏰ Last updated: Nov 19, 2019 ⏰

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