Zelda

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Zelda

Je me sens trop con. Quand j'arrive en bas de chez Louis, mes crêpes et ma bouteille de sangria coincées sous le bras, je suis encore en train de me demander pourquoi j'ai envoyé un tel message.

Louis l'a lu. Je ne pouvais plus le supprimer. Et maintenant, je me sens con.

Il va croire que je le drague. Peut-être que j'essaye de flirter un peu. Mais je me suis emballée. Qu'est-ce qu'un type de vingt-trois ans peut bien avoir à faire avec une gamine de vingt ? Et puis, il y a Victoire.

Ça fait trois jours que je m'interroge. Elle ressemble à quoi, Victoire ? Elle est belle ? Est-ce qu'il est amoureux ? Isis s'est moquée de moi, quand je lui ai raconté. Ma dernière lettre est partie avant, il a fallu que je l'appelle. Je lui ai dit que c'était très sérieux. Elle m'a répondu que je craquais pour Louis.

Puis, pernicieuse, elle a ajouté :

« Et puis, vous êtes mignons, sur les photos que tu m'as envoyées. »

Bon, de toute façon, maintenant que je suis à Saint Malo, il faut que je sonne. J'aurais l'air bête, à rester plantée devant son immeuble.

« Oui ? j'entends une voix quand l'interphone est décroché. »

C'est une fille. Ça m'agace.

« C'est Zelda, je réponds, la voix tremblante. L'amie de...

- Entre, entre ! »

.

C'est Pétunia qui m'accueille. Puis, sortie de nulle part, dans sa jolie robe à fleur, c'est Victoire qui fait son apparition. Elle me fait regretter ma vieille salopette. A côté d'elle, je n'ai aucun charme. Brune, traits délicats, silhouette élancée. On dirait un top model.

« Louis m'a pas mal parlé de toi ! me salue-t-elle en m'attrapant dans ses bras. »

Je n'aime pas trop les contacts physiques quand on se connaît à peine mais c'est déjà trop tard. Je ne vais pas lui faire la remarque, ça jetterait un froid.

« Victoire, c'est ça ? je réponds quand même, histoire d'avoir l'air polie.

- Elle-même. Contente de te rencontrer.

- Oui, moi aussi. »

Elle voudrait rajouter quelque chose mais Louis débarque avec une montagne. La montagne, je l'identifie comme Dean parce qu'il me sourit poliment qu'il me salue d'un signe de la main.

« Zelda ! Viens, faut que je te montre mes fleurs ! »

C'est assez surprenant, comme proposition mais j'accepte. Louis me prend par la main, Victoire me lance un petit regard et Dean s'esclaffe. Mon sac m'échappe, j'entends la bouteille de sangria qui percute le sol. Ça va, normalement, elle est résistante. Sinon, adieu, mon bujo.

On entre dans sa chambre. Chez Louis, c'est tout petit. Il y a juste assez de place pour son lit, son bureau et une commode. J'ai l'impression qu'il n'a pas beaucoup d'affaire. Pas de photos, sur ses étagères. Pas de romans, que des essais et des dictionnaires. Sur son bureau, c'est un peu le bazar. Son équipement de jardinier, au pied de sa chaise en paille, ne m'échappe pas.

Louis me tire jusqu'à sa fenêtre. Il l'ouvre. Le parfum des pétunias embaume la pièce. De son étage, on voit la mer. Le soleil décline mais il ne se couche pas encore.

« Alors ? il me demande, tout excité.

- Bah elles sont jolies. »

Je ne sais pas si c'est ce qu'il veut entendre, mais il a l'air satisfait.

« Louis ?

- Oui ?

- Pourquoi des pétunias ? »

Il me sourit, ferme doucement la fenêtre.

« Elles étaient à ma sœur, il murmure en regardant la mer. »

J'ai envie de lui demander : elle est où, ta sœur. Mais je crois que j'ai deviné à sa mélancolie. Elle est comme Sarah. Elle ne reviendra pas.

« Tu l'as ramené, la sangria ? il change de sujet.

- Oui, je réponds. »

Et je rougis. Beaucoup. Parce que je me souviens de mon message et qui lui, il l'a lu.

« Je te sers un verre ?

- Avec plaisir. »

Il n'a rien dit, mais c'est lui qui m'incite à la débauche.

Mamicha, bujo et pétuniasWhere stories live. Discover now