ESTERRA (En cours - V1)

#3 ~ Les émissaires

Konrad se leva enfin et dévala les marches de l'un des escaliers centraux. Il se faufila au travers de la foule essayant de sortir par le passage à mi-hauteur pour atteindre finalement l'estrade où Larea était assaillie de nobles, désirant lui parler ou simplement la complimenter pour sa remarquable carte et sa conférence. Deux hommes à l'allure imposante les retenaient tandis qu'un petit homme à lunettes aidait la maître géographe à remballer ses notes.

« Inutile d'insister, déclara-t-il au groupe d'admirateurs massé devant l'estrade. La maître ne peut pas accéder à vos demandes d'entretien, elle a déjà un rendez-vous prévu. »

Sur ce, Larea se dirigea vers la sortie de scène, flanquée de ses deux gardes du corps, suivie par son assistant, et la foule se dispersa, bien que déçue. Au contraire, Konrad pressa le pas, grimpa sur l'estrade et rejoignit le cortège. En le remarquant le petit bonhomme lança, agacé :

« Je vous le répète, maître Larea a un déjà un rendez-vous.

- Mais justement, je suis le rendez-vous, rétorqua le jeune homme en lui montrant une lettre signée lui accordant un entretien.

- Toutes mes excuses. Je vais vous conduire à un bureau où vous pourrez parler plus à l'aise. »

Il doubla sa maître et ses protecteurs pour les guider d'un pas pressé dans un dédale de couloirs.

« Enchantée, commença la géographe lorsque Konrad fut à sa hauteur. Je me présente tout de même, Larea de Seran, géographe, bien que vous me connaissiez déjà. Mais, et vous ?

- Je préfère garder mon identité secrète si cela ne vous dérange pas, répondit-il, sachez seulement que je suis représentant de la couronne d'Aldrénie.

- Je respecte votre choix, ne vous inquiétez pas, moi-même je restai anonyme en de nombreux lieux, et ce de longs mois, lors de ma cartographie du monde ; alors je ne peux que vous comprendre. »

L'assistant de la géographe finit par ouvrir une porte et les invita à entrer, tandis que les deux gardes restaient dans le couloir, dans une pièce de taille moyenne, sobrement meublée, comportant une table, quelques chaises et, sur une commode, une pile de papier et de quoi écrire. Konrad et Larea s'assirent de part et d'autre de la table, tandis que l'assistant se postait aux côtés de sa collègue.

« Bien, rentrons dans le vif du sujet, si vous le voulez bien. Il est peu commun que quelqu'un me sollicite un rendez-vous, et encore moins le représentant d'un Roi, je suis donc curieuse de savoir ce qui vous amène.

- C'est assez simple, répondit Konrad. Auriez-vous une carte ?

- Natho... ? » fit Larea en regardant le petit bonhomme. Il s'empressa de sortir de sa sacoche une carte du monde qu'il disposa entre les deux interlocuteurs.

« Pour faire simple, reprit Konrad, j'aimerais – enfin, l'Aldrénie aimerait – acquérir vos services pour explorer ceci. »

Il désigna l'ensemble de l'océan ouest, de la côte Aldrénienne aux bords de la carte. Les deux géographes regardèrent tour à tour la carte puis Konrad avec surprise.

« L'Aldrénie aimerait étendre son territoire, comme tous les pays du monde depuis le commencement des temps ; cependant, nous ne voulons pas prendre du terrain à d'autres, mais découvrir de nouvelles zones habitables. Mais l'Aldrénie possède déjà des frontières au nord, à l'est, au sud, alors il ne reste qu'une seule possibilité : l'océan ouest. Nous partons du principe qu'il existe des archipels d'îles dans l'océan est, détenus par les ondins nagas, alors pourquoi n'y aurait-il pas quelque chose de similaire dans l'océan ouest ? De plus, il est convenu que les ondins sont les propriétaires de l'océan est puisqu'ils y vivent. Rien de tel n'a jamais été établi à propos de l'ouest, puisque les ondins ne peuvent y accéder et que personne d'autre ne s'y intéresse, donc de fait, toute île découverte dans cet océan sera la propriété de son découvreur, c'est-à-dire l'Aldrénie. »