Acte II

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Je me réveillai reposé comme je l'avais rarement été depuis un certain temps. J'étais si bien calé qu'il me fallut plusieurs minutes pour me rendre compte que je n'étais pas dans mon appart ni ma chambre à la Gunière. Mais cette fois au moins, la prise de conscience se fit sans panique. C'est vrai, j'étais chez ma charmante famille de paysans du vallon paumé.

Trouvant finalement le courage de me bouger les fesses, mon premier réflexe fut de me rapprocher de la fenêtre pour vérifier s'il neigeait toujours. Miracle, ce n'était plus le cas. En revanche, l'épaisseur de neige qui couvrait le sol montait presque au niveau du vantail. Ça allait être galère de marcher là-dedans sans raquettes. Perplexe, je me grattais la tête, et grimaçai en sentant mes cheveux gras. Il allait falloir que je me lave, moi. Et que je récupère mes fringues.

Fort de cette résolution, je quittai ma chambre. A l'instant où j'ouvris la porte, un piaillement strident retentit, accompagné d'un boulet de canon orange qui passa juste sous mon nez. Pennas dérapa sur le parquet, m'évitant de justesse, et faillit percuter le mur.

— Bonjour ! me lança-t-il avant de plonger sous le buffet, juste à temps pour éviter un autre projectile.

Ahuri, je découvris Nìmis perché sur la table, une mandarine dans chaque main, en train de bombarder son frère. Dès qu'il m'aperçut, ses bras retombèrent sur ses genoux, et il eut une seconde l'air d'un enfant pris en faute.

— J'espère qu'on ne vous a pas réveillé.

— Quoi ? Heu non, pas du tout.

Pourquoi il fallait toujours que je bégaye quand je m'adressais à lui, sérieux ? Il allait me prendre pour un débile.

— Je ne voulais pas déranger ce règlement de compte, m'excusai-je.

— Moi ça m'arrange, glissa Pennas en s'extrayant de sa cachette.

Son frère lui décocha un regard noir, et le gamin détala aussitôt en direction de la cuisine.

— Servez-vous, si vous avez faim, me lança Nìmis en désignant le saladier dans lequel il avait reposé ses projectiles.

Et il sauta au sol pour partir à la recherche des mandarines dispersées sur le sol. Je piochai une pomme et mordit dedans.

— Maman a fait de la tisane, nous signala Pennas depuis la cuisine. Qui en veut ?

— Remplit trois tasses, répondit Nìmis avant de me jeter un regard en coin. Si vous le voulez, nous pourrons faire un tour au village après cela.

— Ah, oui, bien sûr, acceptai-je sans réfléchir. Mais, ajoutai-je après coup, il faudra quand même que je reparte avant que ça ne se gâte de nouveau.

Il glissa un coup d'œil à la fenêtre, avec l'air d'évaluer le ciel translucide qui surplombait les sapins.

— Le temps sera stable aujourd'hui.

— J'ai pas assez de bras pour amener les trois tasses, cria de nouveau Pennas.

Je ne pus m'empêcher de rire, alors que Nìmis levait les yeux au ciel.

— J'amène la mienne et celle d'Antoine, décida le gamin en revenant avec ses deux tasses, un sourire moqueur à l'intention de son frère. Toi, il va falloir que tu ailles la chercher.

Celui-ci s'exécuta, non sans avoir gratifié l'impertinent d'une tape sur la tête. Je soufflai sur ma tisane brûlante avant de me risquer à y goûter. C'était bête, mais j'étais un peu déçu de devoir partir si vite.

*

— Votre écharpe est là, m'indiqua Nìmis en désignant la patère près de la porte. Le reste de vos vêtements est encore en train de sécher. Prenez le premier manteau que vous trouverez.

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