Chapitre 57

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J'ai rencontré en tout une cinquantaine de personnes en deux heures, et je trouve ça plutôt courageux de leur part de sortir et de nous rejoindre malgré l'interdiction formulée par l'Union. Tous n'avaient pas forcément d'armes, alors je les ai entraînés à ma suite, je suis donc à la tête d'un groupe de cinquante personnes, celles qui avaient des armes étant retournées au siège du gouvernement, une manche de leur T-shirt déchirée, pour que les rebelles les reconnaissent.

Nous croisons de temps en temps des formations de résistants, et au fond de moi, j'espère croiser un de mes amis parmi eux.

Nous tournons donc dans la ville, sans but précis, mais sonnant à toutes les portes pour voir si des gens veulent nous rejoindre. Je sais que ceux qui ont un moyen de communiquer avec le gouvernement de l'Union permettent aux dirigeantes de nous suivre à la trace. Je ne suis pas conne. Mais je préfère que ce soit mon groupe qui prenne des risques, plutôt que mes amis.

Au bout d'un moment, nous avons visité tellement de rues et de bâtiments, que nous finissons par retourner à celui où sont les dirigeantes. Il va nous falloir une belle armée pour prendre le pouvoir.

Alors que nous sommes à cinq cents mètres de notre but, un bruit strident retentit. Il est tellement aigu que je ne le perçois même pas, ce sont mes tympans qui vibrent et mon cerveau qui surchauffe. Je peine à rester debout, et je vois que la plupart des personnes autour de moi réagissent pareillement. Mais vingt pour cent ne semblent rien entendre, et je comprends vite que les dirigeantes ont activé la solution de crise : la puce injectée à chaque personne après quatre ans de mariage, qui protège chaque membre de l'Union qui l'a dans son corps.

Dans mes souvenirs, je ne tiendrai pas cinq minutes. J'ai donc très peu de temps à vivre.

Je continue d'avancer coûte que coûte vers le siège du gouvernement en me bouchant les oreilles comme je peux, et en menant mes nouvelles recrues. J'arrive bientôt à l'angle du bâtiment, et je remarque que plusieurs formations ont rejoint la mienne pour prendre l'immeuble. Je cherche des yeux, et parmi ceux qui sont au plus mal, je vois Nikoley.

Je cours vers lui malgré les forces qui me quittent. Lorsque j'arrive à son niveau, je me mets à genoux pour le voir.

— NIKO ! C'est moi, c'est Adi !

Il lève difficilement la tête, et je le vois esquisser une grimace à la place d'un sourire. Il ne va pas tenir très longtemps.

Mais au moment même où je crois l'avoir perdu pour de bon, le bruit se stoppe. Je profite de ce temps mort pour enlever mon pull et le mettre autour du crâne de mon petit-ami pour le protéger le plus utilement possible contre la reprise imminente du bruit.

Mais le bruit ne revient pas, et les résistants se remettent bien vite de leurs émotions. Enfin, on a quand même failli presque tous mourir...

Nikoley se relève et me prend dans ses bras. Il me regarde sérieusement, et au même moment où la voix d'une dirigeante se fait entendre dans les hauts parleurs, il me dit :

— Je t'aime Adi. Je veux que tu le saches au cas où je ne survivrai pas à cette nuit.

Je me presse contre lui, trop heureuse de ce qu'il vient de me dire.

— Je t'aime aussi.

Il sourit contre mon front, et nous nous focalisons maintenant sur la voix de la femme.

— ... temps de partir loin ou de vous rendre avant de le relancer.

Elle parle du mugissement électromagnétique qui est en train de nous vriller le cerveau. On a perdu. On ne peut pas faire face, même autant que nous sommes, face à cette arme imparable.

Mais soudain, une jeune fille sort du bâtiment, en déchirant la manche de son T-shirt. Les résistants la mettent en joue, et Niko s'approche d'elle en silence, escorté des div six de la résistance. Je m'avance avec eux également.

La jeune fille nous crie alors de loin :

— Elles essayent de vous faire peur ! J'ai coupé les fils qui permettaient l'alimentation des puces, si elles le relancent, elles mourront aussi car elles n'auront plus de moyen de survivre !

— Comment pouvons-nous te croire ? Qui nous dit que ce n'est pas un piège ?

Je reconnais la jeune fille. Dans mes souvenirs. C'est celle à qui j'ai indiqué le chemin du secrétariat le jour où j'ai commencé à songer à rejoindre la résistance. Et j'ai l'impression qu'elle a évolué dans le même sens que moi depuis ce jour-là. Mais je ne peux pas me prononcer pour elle. Il faut attendre de voir ce qu'elle va répondre.

— Je vous jure que c'est vrai, j'en ai marre de ce monde ! Il n'est pas égalitaire et va nous mener à notre perte ! Et puis, elles vont s'en rendre compte d'un moment à l'autre, car elles suivent le fonctionnement de toutes les puces à la trace, pour éteindre celles des nouveaux résistants ! Mais comme elles vont constater qu'elles ne pourront plus les éteindre, elles vont vite comprendre qu'elles ont perdu !

Soudain, une explosion retentit. Et nous tournons tous la tête vers le groupe de personnes qui ont été visées. Elles ont toutes la tête levée, regardant le toit du bâtiment avec inquiétude. Personne en vue là-haut, mais je vois bien le canon d'un fusil, pointer sur... Moi et les personnes m'entourant !

L'Union FéminineWhere stories live. Discover now