Chapitre 2

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Ana





— Bouge ton cul, grogne Cesar, l'homme de main de Lioubov.

Cesar, c'est un prénom peu courant par chez nous. La première fois que je l'ai entendu, je me suis retenue d'hausser les sourcils et de balancer la première question qui me venait à l'esprit. J'ai été bien maligne de me retenir.

Bien heureusement, je n'intéresse pas Cesar. Ce dernier a des penchants pour les jeunes femmes plus rondes, voire très rondes. Il faut dire que dans notre sous-sol puant, il y a l'embarras du choix, une vraie exposition de marchandise à faire pâlir la grande distribution. Ici, le consommateur est roi et n'a qu'à exiger pour obtenir une demoiselle qui lui correspond. Je me demande combien le chef gagne à chaque transaction qu'il exécute avec nos corps. A cette sombre pensée, je rêve plus fort encore de le voir à quatre pattes se faire enfiler de force, incapable de se défendre par peur de finir vider comme un porc. Parfois, pour combattre mes cauchemars, ce scénario passe en boucle dans mes méninges.

Toujours est-il que j'exécute l'ordre de Cesar, puis avance, un pied après l'autre, le cœur las et les membres engourdis. Hier, trois clients m'ont choisie pour assouvir leur besoin... Aujourd'hui, je peine à marcher, mais cela ne revêt aucune importance à leurs yeux, évidemment. J'ai été sommée, il y a une heure, de me laver à l'aide de notre salle de bain rustique et à peine fonctionnelle, puis de m'habiller pour rejoindre Gollum. « Gollum », c'est le surnom que j'ai choisi d'employer dès que je pense à Lioubov. « Gollum » ou « le rat », tout dépend de mes humeurs.

Alors me voici, approximativement propre, déambulant dans un ensemble de lingerie presque neuf en soit rouge. Lioubov nous fournit régulièrement en dessous sexy. C'est la seule chose que nous possédons de potable. Je suppose qu'il y'a un certain standing à tenir dans ce bordel...

Lui à quatre pattes, lui à quatre pattes... à force d'y penser, peut-être qu'un jour cette conjecture se réalisera.

Mes cheveux ont drôlement poussé. Je peux maintenant sentir les boucles de mes anglaises sombres, fatiguées par le manque de soin, frapper la courbe de mes fesses. La dernière fois que je me suis aperçue dans un miroir, c'était grâce à celui accroché au plafond d'une des chambres de passe. La vision que m'a renvoyée mon image a achevé de m'abattre. J'ignore pourquoi je crains la mort alors qu'il est évident qu'elle seule peut m'apporter une porte de sortie digne et définitive.

Mes premiers moments ici ont été un véritable enfer sur terre. Ce n'est rien de le dire. Pour me conditionner, j'ai été frappée, torturée et violée. Tous ces « efforts » étaient pourtant inutiles. J'aurais, de toute manière, obéi sans broncher. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé lorsque j'ai guéri de mes blessures et que l'on m'a demandé de commencer mon « travail ». Il s'agissait d'une soirée importante en l'honneur des plus grands dirigeants de l'ouest de la Russie. J'ai cru reconnaitre quelques hommes politiques et même certains visages connus de l'audiovisuel. Ce soir là, j'ai eu la triste confirmation que le monde dans lequel nous vivons est corrompu à plus d'une branche. Mais qui en doute toujours ?

Lors de cette terrible nuit, il m'a fallu trimballer des plateaux remplis de champagne, le corps remplis de bleus à peine résorbés. Des larmes d'aigreur me sont montées aux yeux tout du long. On me touchait sans mon consentement, parfois palpée, agrippée, ou encore embrassée, sans aucun moyen de résister. Le seul à se désintéresser de moi demeurait Lioubov. La seule petite lueur dans cet océan de noirceur, car à voir comme il traite les filles qu'il choisit, je me réjouis de ne pas lui avoir tapé dans l'oeil. Malheureusement, comme toutes celles qui ne trouvent aucun intérêt charnel à ses yeux, je suis traitée avec une brutalité sans borne. Je ne compte plus les gifles, les insultes, ainsi que les crachats, sous l'œil dédaigneux des privilégiées, qui, pour certaines, sont pourvues d'une beauté sidérante. Ces dernières peuvent vivre en haut, dans une des chambres de Gollum, en ayant accès au confort du manoir et aux avantages d'être pupille d'un mafieux riche comme Crésus.

DimitriWhere stories live. Discover now