Ana
Belle est la première à remarquer mon entrée dans notre piaule miteuse que je n'ai jamais été si soulagée de retrouver. Est-ce ma mine fantomatique ou bien l'odeur pestilentielle que je dégage qui l'a sortie de son sommeil ? Toujours est-il qu'elle bondit sur ses fesses en poussant un soupir d'effarement.
— Mon dieu Ana, souffle-t-elle en se levant brusquement, réveillant au passage Olga qui maugrée contre l'importune.
Néanmoins, lorsqu'elle m'aperçoit à travers ses paupières lourdes, elle se redresse aussi sec.
— Mais qu'est-ce que tu as sur tes cheveux ? Pourquoi ils dégoulinent ?
Je fonds en larme pour la seconde fois de la soirée, cette fois, sans aucune volonté́ de m'en cacher. Mes éructations sont bruyantes, si bien que la dernière à dormir n'y résiste pas. Belle est déjà̀ à mes côtés, ignorant avec beaucoup de classe les relents d'urine qui, bientôt, montent aux nez de toutes mes codétenues. Je devine qu'elles comprennent, car rapidement plus aucun soupçon d'interrogation ne déforme leurs traits. Seul un profond silence entrecoupé de mes sanglots témoigne de leur pitié́.
— Viens, je vais t'aider à te laver, propose Belle.
L'idée qu'une nouvelle paire d'yeux se posent sur moi me semble insurmontable, pourtant je suis incapable d'objecter. Je lui permets de me conduire jusqu'à notre bac de douche, sans un mot, puis, de retirer mes dessous trempés de diverses substances immondes.
Recroquevillée contre la faïence fissurée et crasseuse, je laisse Belle diriger les opérations. Olga et Sylvia n'interviennent pas, comprenant surement qu'il est préférable de limiter l'auditoire de ce sinistre spectacle.
Quand le premier jet d'eau coule sur ma chevelure, il ravive la blessure tout juste infligée. Cette sensation me ramène aussitôt au souvenir des dernières minutes. Je n'y retiens pas et vomis la bile qui pesait dans mon estomac. Mon corps tente vainement de se purger. Les contractions de mon diaphragme se prolongent, provoquant des crampes douloureuses qui soulagent légèrement ma psyché́ détruite.
Je sens les mains de Belle contre mon crane. À l'odeur, je découvre qu'elle a recouru à notre shampoing des grandes occasions. Un flacon de soin de meilleure qualité́, qui nous est donné une fois par mois lors des passes plus importantes. Certains clients sont privilégiés et méritent donc, pour Lioubov, quelques améliorations. Toutefois, si nous avons le malheur de vidé les flacons avant le ravitaillement, la punition consiste à nous priver de toute hygiène pendant des semaines. Si la première fois que cela nous ait arrivé, j'ai été ravie de ne plus avoir à bosser, très vite j'aurais pu sucer le réseau entier contre une douche et une brosse à dents.
Le fait donc, qu'elle s'en serve ce soir, signifie beaucoup. La situation est grave. Elle poursuit ses massages afin de retirer toutes traces d'urine, puis laisse couler l'eau chaude jusqu'à ce que finalement, la température en berne l'oblige à mettre un terme à cette parenthèse hors du temps.
Je me suis lavée frénétiquement, avec une minutie exacerbée, pourtant rien ne parvient à me faire oublier le ressenti de leurs mains sur mon épiderme, de leur odeur sur la mienne. Le lancinement dans mes entrailles est toujours vif. La peau de mes fesses me fait souffrir sans relâche et le passage en force des sexes dans mes orifices me procure une sensation atroce !
Je n'aurais pas le droit à l'amnésie. Ce soir, mon corps m'interdira de dormir, mes blessures physiques accompagneront celles psychologiques et je sais que ces connards ont opéré́ précisément dans ce but-là̀.
Belle s'en est allée récupérer une serviette. Je décide qu'il est temps de me relever.
Ne serait-ce que symboliquement.
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Dimitri
RomanceVous avez aimé Toxic ? Plongez dans le spin off de cette romance hors norme et totalement dérangée. Dimitri, le cousin du terrible Nass Hall n'épargnera rien ni personne et la belle Ana va l'apprendre à ses dépens