CHAPITRE 8➤

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Jerome ne riait pas, ne souriait pas. Il restait là, muet et sous le choc. Son regard perdu dans le vide contemplant passivement le vingtenaire qui refoulait son inquiétude et sa culpabilité du mieux qu'il le pouvait. Un long silence. Brisé par les cris et hurlements des patients de cet asile peu commun et à l'hygiène cruellement discutable. Le rouquin restait immobile, l'air absent et les yeux humides. Ses lèvres étaient tremblantes. Le nain se demandait en observant ce dernier s'il n'allait pas fondre en larmes d'une minute à l'autre. Voyant clairement que son ami d'enfance ne comptait pas sortir de cet état catatonique tout de suite, Gagsworth détourna son regard pour observer l'environnement qui les entourait lui, son ami et les gardes qui veillaient à la sécurité du grincheux jeune homme.

Du grillage. Des grilles absolument partout autour d'eux. La sensation d'être enfermé dans une cage serrait vicieusement la gorge du vingtenaire qui déglutit sans rien dire. Les portes grinçaient ; leurs cris perçants et dissonants résonnaient en un sinistre écho dans tout le bâtiment. Quoique tu fasses, quoique tu dises... Toujours nous serons au courant pensait le nain d'un air théâtral qui sonnait plutôt bien dans sa tête. Malgré tout, il s'abstint de partager cette réplique qui perdrait probablement de sa splendeur une fois prononcée de vive voix. Une odeur ignoble flottait dans l'air qui était absolument glacial et désagréable.

Ce fut d'abord quelques gloussements. Puis un énorme éclat de rire, horrible et inhumain. Dénué de raison. Mélodieux et entraînant, Gagsworth ne pouvait que sentir ce frisson lui parcourant l'échine. Hypnotisant et effrayant. Tournant lentement son regard en direction de la provenance de cette maniaque symphonie, le nain fit une grimace tandis qu'un rictus nerveux pointa le bout de son nez. Le rouquin hurlait de rire. Convulsant au rythme de cette instable et terrifiante poésie. Doucement, cette euphorie qui avait pris le contrôle de l'adolescent s'atténua. Une main passant beaucoup trop lentement dans sa rousse tignasse. Un sourire jusqu'aux oreilles. Jerome fit entendre sa voix grinçante et éreinté.


<<Ma mère n'est donc pas morte de ma main ! Quelle déception. "Papa"... Quel génie machiavélique !>>


Le nain fronça les sourcils. Il ne comprenait pas ce que voulait dire le jeune homme. En vérité, il ne parvenait tout simplement pas à assimiler les mots de ce dernier. Secouant faiblement la tête tandis que ses paupières papillonnaient anxieusement, il répondit nerveusement à son ami par une question.


<<Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes, Jey ?>>


<<Je ne suis pas coupable. Et c'est moi qu'on enferme ? Mais quelle magnifique blague ! Je dois vraiment lui rendre la pareille !>> s'égosilla Jerome, s'étouffant de rire.


Il continuait de s'époumoner dans un interminable concert hystérique. La toux vint lui signaler qu'il devait reprendre son souffle, mais cela ne l'empêchait pas de rester hilare. Gagsworth ne dit rien. Il commençait à avoir peur. Il commençait à craindre son meilleur ami. Terrorisé, il prit la dure décision de s'en aller. Laissant Jerome seul dans sa folie.

GAGGYWhere stories live. Discover now