Partie 1

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L'ennui. Voilà ce qui me pousse depuis quelques jours à faire tout un tas de petiteschoses qui ne m'avaient jusqu'alors jamais intéressées. J'ai parcouru 17kms surmon vieux vélo d'appartement, lu les 88 premières pages de la voie royale,commencé downtown abbey, arrosé les plantes, observé les fourmis, parlé à lavieille voisine d'en face, rangé ma chambre, trois fois ; sans succès, jesuis toujours seule et je m'ennuie.

Le mois d'aout est une vaste blague. Mesamis sont éparpillés entre la côte d'Azur, le Portugal et la Provence,évidemment eux ne s'ennuient pas. Mes parents m'ont eux aussi laissée tomber.Heureux gagnants de la loterie du supermarché ils sont actuellement en Tunisie,profitant de « l'incroyable voyage-découverte du pays des dromadaires ».Super. Ma vie actuelle se résume donc à quelques allez-retours vers le frigo,deux trois tentatives avortées pour m'occuper et d'innombrables tête-à-têteavec moi-même.

Seule. Seule. Seule. Je dois absolument trouver quelque chose àfaire sous peine de finir comme ces quinquagénaires vides et insipides. 17 ansc'est beaucoup trop tôt pour mourir d'ennui. Bon, c'est vrai que j'exagèrepeut-être un peu, j'ai quand même dégoté un boulot au cinéma qui occupe toutesmes soirées : de 19h30 à 1h c'est l'éclate totale, je croise de toutderrière mon petit guichet. Des mères de familles coincées venues voir encachète le dernier thriller érotique, des vieilles qui sortent en bande àl'affut d'un documentaire soporifique, des dom juans qui reviennent généralementle lendemain avec une conquête différente, des gamins de 12 ans qui se foutentla touille de leur vie devant le film d'horreur du moment...

Tous les soirs c'estla même histoire, à 18h45 je pars de chez moi, mon uniforme soigneusementenfilé, quelques magazines sous le bras, les écouteurs vissés sur les oreilles.20 minutes plus tard, après avoir tourné 2 fois à gauche 2 fois à droite ettraversé quelques routes, j'arrive devant le cinéma. Tous les soirs j'entre parla porte qui fait face au bureau de Mr Chevignon, le propriétaire, mon patron.Tous les soirs je passe par la salle du personnel, j'attrape les clés de maloge et je vais m'installer. Tous les soirs la même routine, compter le fond decaisse, vérifier le papier dans la machine, allumer l'écran et attendrepatiemment l'ouverture des portes, un sourire ridiculement accueillant scotchésur les lèvres.

En fait cette routine s'appliquait sans problème jusqu'àaujourd'hui. Trop occupée avec mes fourmis je suis partie en retard, l'uniformefroissé et certainement des restes de brocoli entre les dents. J'ai dû courirpour respecter mon horaire et c'est avec fracas que j'ai pénétré dans lecinéma. Essoufflée, pliée en deux j'essayais tant bien que mal de reprendre marespiration sans me douter que j'étais observée.

Une histoire comme une autresWhere stories live. Discover now