IV. Lettre à toi qui ne vas pas bien (et qui n'oses pas en parler)

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Cher ou chère toi,

Tu ne me connais pas, je ne te connais pas. Ce n'est pas grave. Je n'ai besoin de connaître ni ton nom, ni ton âge, ni ta nationalité pour t'écrire cette lettre.

Si tu as choisi de lire ces lignes, c'est qu'au fond de toi, tu sais que tu ne vas pas bien. Tu pleures sans raison apparente. Tu te braques pour des choses qui ne sont au final pas importantes. Tu te sens seul(e), fatigué(e), insignifiant(e) — tu te sens vide. Quand tu te regardes dans le miroir... ou, plutôt, quand tu as la force de te regarder dans le miroir, tu ne reconnais pas la personne qui te fait face.

Tu as, tout simplement, l'impression de perdre le contrôle de ta vie.

Écoute, ça arrive. Ce n'est pas grave. Il n'y a aucune honte à avoir. Tu es un être humain. Tu peux ne pas bien aller. Tu en as le droit.

Seulement, toi, tu ne vas pas bien depuis un certain temps, déjà. Quelques semaines? Quelques mois? Quelques années? J'imagine que tu t'es convaincu(e) que ça passerait, tôt ou tard. Le temps arrange les choses, à ce qu'on dit.

Mais ce n'est pas passé, n'est-ce pas? C'est même devenu encore plus intense qu'avant. Encore plus difficile à cacher, aussi. Certaines blessures sont si profondes qu'elles ne peuvent se guérir d'elles-mêmes. C'est peut-être ton cas.

Tu sais, tu as fait preuve de beaucoup de courage en choisissant de cacher tes souffrances. J'imagine que tu ne voulais pas paraître « faible » aux yeux de tes proches (ou de toi-même) et que tu ne voulais inquiéter personne. Peut-être aussi que, comme je l'ai dit, tu pensais que ça finirait par passer. 

Tes raisons te regardent. Je serais bien mal placée pour te juger pour ça. 

Mais tu sais ce qui serait encore plus courageux de ta part?

Que tu en parles.

Que tu oses en parler.

À quelqu'un en qui tu as confiance.

Ton ami. Ton frère. Ta sœur. Ta mère. Ton père. Ton professeur. N'importe qui.

Je sais que c'est difficile. Crois-moi. J'ai été à ta place il n'y a pas si longtemps que ça. Il faut du cran pour avouer que ça ne va pas bien.

Oui, c'est difficile. Mais ce n'est pas impossible.

Si tu as peur, c'est normal. J'étais morte de peur d'avouer à mon père, un homme assez froid et insensible par moments, que j'avais des idées suicidaires depuis de longues années. Pourtant, ça s'est très bien passé. Il m'a non seulement écoutée, il m'a aussi raconté sa propre expérience avec la santé mentale. Il n'a pas lui-même souffert d'une maladie mentale, mais à l'époque qu'il était à la fac, un étudiant s'est jeté d'un immeuble du campus qui, par miracle, a survécu. Il ne connaissait pas personnellement cet étudiant, mais cette histoire l'a marqué, parce qu'il s'en souvient très bien encore aujourd'hui.

Ce que j'essaie de te dire, c'est que parler de tes problèmes et de ton état actuel pourrait t'amener à avoir une bonne discussion avec l'autre personne et te faire réaliser que tu n'es pas le ou la seul(e) à être passé(e) par là. Moi, ça m'a fait énormément de bien. En gros, tu pourrais être agréablement surprise de la réaction de l'autre personne, comme moi je l'ai été de celle de mon père.

La seule façon de le savoir, c'est d'essayer. Encore une fois, je sais que c'est difficile. Mais je sais aussi que si moi, qui me suis longtemps considérée comme la pire des lâches, j'en ai été capable, eh bien tu en es aussi capable. Il faudra peut-être que tu cries pour te faire entendre, mais à la fin, tu seras fier / fière de toi et ça en vaudra la peine.

Et tu sais quoi? Si je me fie à mon expérience, plus tu en parleras, plus ce sera facile. La première fois, c'est toujours la plus difficile, la plus éprouvante.

Cher ou chère toi, je te souhaite de réaliser que...

Oui, la vie est belle, malgré tout ce qui t'arrive.

Oui, elle vaut la peine d'être vécue, même si certains jours, tu n'y crois pas du tout.

Oui, il y a d'autres personnes sur cette planète à traverser les mêmes épreuves que toi.

Alors, accroche-toi. Ne reste pas seul(e). Parle à quelqu'un.

Et surtout, prends soin de toi. Tu en vaux la peine.

Avec toute mon amitié,
Ange, x

Lavage de cerveauWhere stories live. Discover now