Chapitre 1 : Les souvenirs reviennent

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— Mon histoire commence il y a bien longtemps, l'été de mes treize ans. À cette époque, mon esprit s'égarait souvent dans des contrées connues de moi seule. Je vivais autre part, dans mon univers. Un univers qui restait mon jardin secret ; je n'avais jamais souhaité le partager avec quiconque. Peut-être était-ce pour cette raison que j'avais un tempérament si maladroit, un défaut qui ne m'a d'ailleurs pas quitté. Mais passons, ce n'est pas là l'important.

J'avais fini mes devoirs et mes parents et moi nous rendions chez un cousin éloigné nommé Arthur que je ne connaissais pas. C'était un homme très agréable, selon ma mère. Mes parents devant partir en voyage d'affaires, il me garderait durant la semaine suivante. Je m'étais habillée à la hâte et j'agissais comme si la situation m'était indifférente. En réalité, j'étais un peu intimidée à l'idée de séjourner dans la demeure d'un étranger.

— Moreen Rivenie, descends tout de suite ! Nous allons être en retard par ta faute ! s'impatientait mon père.

— J'arrive, j'arrive, soupirai-je.

Je dévalai les escaliers à toute vitesse et nous prîmes la voiture. Le trajet fut de courte durée, environ dix minutes. Nous arrivâmes devant une maison plutôt avenante avec des rideaux bleus, le numéro quatre gravé en caractère doré sur la façade. Arthur vint nous accueillir avec un large sourire et je dévisageai cet inconnu aux yeux émeraude avec intérêt.

Ses cheveux argentés étincelaient à la lumière de cette fin d'après-midi. Il était alerte malgré son grand âge, ce qui me surprit. Je l'appréciai immédiatement. Arthur, quant à lui, me détailla, et je sentis qu'il se faisait un plaisir de me rencontrer. Il nous pria d'entrer et me dit :

— Je suis très heureux de faire ta connaissance, on m'a beaucoup parlé de toi.

En examinant le vestibule et les pièces qui suivirent, je m'aperçus que la demeure, plus imposante qu'elle ne paraissait au premier abord, s'étendait sur de longs couloirs. Les pièces spacieuses et habilement meublées annonçaient un hôte raffiné. Sur les murs apparaissaient toutes sortes de tableaux qui décoraient l'habitat. Nous fûmes rapidement imprégnés d'un sentiment de convivialité. Parmi les peintures, une seule attira tout particulièrement mon attention : il s'agissait d'une fée scintillante aux ailes multicolores.

Le dîner fut servi et je me dirigeai vers la table. J'appris qu'Arthur n'avait pas eu d'enfants et qu'il avait divorcé, bien des années avant. J'étais perdue dans mes pensées quand ma mère dit :

— Moreen a toujours voulu devenir écrivain.

Arthur sourit et répondit :

— C'est un beau métier, bien qu'il faille se montrer persévérant.

— Elle est très têtue, assura-t-elle, peut être qu'un jour ça lui sera utile.

Je m'apprêtai à protester quand je fis malencontreusement un mauvais geste et brisai un verre dont les morceaux se répandirent sur le sol.

— Oh, je suis désolée ! m'exclamai-je confuse.

— Ce n'est rien, assura notre hôte, je vais de ce pas chercher un balai.

— Moreen peut s'en charger, objecta mon père.

Le vieil homme m'indiqua alors où se trouvait le placard à balais. À peine eut-il fini de parler que la sonnerie du téléphone retentit. Il s'excusa et se dirigea vers le fond de la maison pour répondre. Moi j'allais faire ce que l'on me demandait. J'ouvris la porte du local qui se referma d'elle-même. J'allumai et tendis le bras vers un balai quand un coffret tomba à mes pieds. Je m'agenouillai et le ramassai. La photographie qu'il contenait attira mon attention malgré moi. Elle représentait une très belle jeune fille d'environ dix-huit ans. Elle avait des cheveux d'un noir profond, des yeux bleus glace en amande dans lesquels n'importe quel homme se perdrait, cependant au premier regard on remarquait que ce n'était pas une fille facile à vivre.

Les Quatre ÉlémentsWhere stories live. Discover now