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Je suis juste partis, qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre. J'ai laissé le cadavre sur sa chaise. Je n'ai pas eu la force de l'enlever. Et même maintenant. Mon cœur. Mon cœur me fait mal, très mal, et ma tête aussi. Je ne sais pas ce que je dois faire. M'asseoir sur un banc et ne rien faire ? C'est une possibilité. Rentrer chez moi ? C'est déjà une meilleure idée. Tuer quelqu'un ? Je ne crois pas en avoir la force maintenant. Ça pourrait me détendre. Je ris. Oui, ça pourrait m'aider. Je vais trouver quelqu'un.

Je marche donc dans le parc. Il doit être environ trois heures du matin, je peux me permettre de tuer une autre personne, j'ai le temps, n'est-ce pas ? J'erre. Encore et encore, mais je ne trouve personne, qu'est-ce que je vais faire ? Je dois enlever ces pensées de ma tête. Mais c'est vrai, pourquoi ? Pourquoi je fais tout ça ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas m'en empêcher ? Pourquoi, tout simplement.
Cette question refait écho dans ma tête alors que l'image de toutes les personnes que j'ai tué me reviennent à l'esprit. Je m'accroupis au sol. Ça fait mal, beaucoup trop mal. Je cris, une fois, puis une deuxième. Pour enlever toutes ses voix de ma tête, pour pouvoir continuer ma quête à la seconde victime de la nuit du 1er janvier. Mais ça ne part pas, ça ne se calme pas au contraire, les râles de souffrance que je leur ai arrachés résonnent dans ma tête, de plus en plus fort. Que dois-je faire ? J'ai au moins la réponse à cette question-ci. Je dois rentrer chez moi. Je me redresse lentement, les sourcils froncés et titube jusque chez moi, mes parents et ma sœur doivent dormir maintenant, je ne dois pas faire de bruit.

Je prends la clé d'une main tremblante et l'insère dans la serrure. Je tourne doucement et pousse la porte. Je vois trouble. Ma chambre. Où est ma chambre déjà ?

Je marche juste le long du couloir et m'appuie sur une porte au hasard, je tombe quand la porte s'ouvre. C'est la salle de bain, je crois. C'est un bon endroit pour dormir, ici, sur le tapis. Je ferme la porte d'un léger coup de pied, et rampe vers le lavabo. Je dois boire. Je tends la main vers le rebord et me soulève faiblement, je suis tout tremblant, tout fébrile, mais je réussis tout de même à ouvrir le robinet. Je plonge ma tête brûlante en dessous de l'eau fraîche qui sort de la tuyauterie. Je reste comme ça un moment, mais j'étouffe. Je tente d'inspirer profondément, mais il y a l'eau. Mes yeux s'écarquillent, j'ai l'impression qu'un voile me tombe sur le visage, je ne peux pas respirer, ce voile bloque toutes les voies respiratoires, je tousse, encore, je veux respirer. J'éteins urgemment le robinet, posant ma main sur mon torse. Je ferme les yeux pendant un moment, mais je n'aurais pas dû.

C'est donc ce qu'il a ressentit ? Quand je lui ai mis la serviette sur la tête ? C'est donc ça que l'on ressent quand on se fait torturer. Cette sensation d'étouffer, cette panique intérieure, sentir son cœur battant s'emballer, cette peur de la mort que l'on ressent à chaque instant.

Je ris.

Oui, je ris. Je ne me suis jamais senti comme ça, mais c'est plutôt drôle. Cette ironie. J'inflige quelque chose d'aussi horrible ? Je suis malsain, c'est vrai. Mais je trouve ça drôle. Je passe une main dans mes cheveux désormais trempés. Je ne sais simplement pas comment réagir. Je me regarde dans le miroir, je vois mon visage et mes cheveux sont teintés de sang. J'en oublie la discrétion et j'éclate de rire. Un rire nerveux ? Je ne sais pas. Mais je ris, encore, de plus en plus fort, et étonnamment, ça fait du bien. Ma mère arrive dans la salle de bain. Elle me regarde de haut en bas, je crois qu'elle a peur de moi. J'en suis sûr maintenant. Un léger cri sort de sa bouche alors qu'elle me dévisage. Elle s'approche de moi et me frotte frénétiquement le visage, je crois qu'elle essaye d'enlever les taches de sang sur mes joues, mais je continue de rire, alors qu'elle bafouille.

- Mais... Mais qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que tu as fait ? Pourquoi tu es dans cet état ?

Mon rire s'arrête soudainement. Je la regarde droit dans les yeux, je ne dis rien. Son visage se déforme. Je vois apparaître un sourire malsain sur son visage. Je secoue d'abord lentement la tête, alors que j'entends un rire lointain.

- Non, non... Pas encore...

Je pousse ma mère, loin de moi. Je me tourne, m'accroupissant encore une fois au sol, pas elle. Pas elle. Je bouche mes oreilles en fermant les yeux, douloureusement, je veux qu'elle s'en aille. Je veux qu'elles partent, toutes les voix dans ma tête, toutes les visions d'horreurs qui m'assaillent, je veux qu'elles partent loin.

Serais-je vulnérable ?

Peek-A-BooWhere stories live. Discover now