Chapitre III

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   Il se dévisage et cela lui semble durer une éternité. Rien n'était jamais plus long que son regard dans la glace. Lorsqu'il passait ses yeux sur ses traits il trouvait qu'ils voulaient tout et rien dire.
Il passait des heures à se demander qui il était. Des heures. Entières. Interminables. À se contempler, à répéter : «Je m'appelle Marin», sans jamais avoir la moindre idée de ce que ça justifiait. Souvent il jetait un coup d'œil à la signification de son prénom, son signe du zodiaque... Il attendait que le monde lui dise qui il était, parce que seul, il était tout le monde sans jamais l'être jusqu'au bout.
Gaël lui avait dit qu'il faisait les choses à moitié, et en se regardant dans le miroir, il comprenait qu'il était à moitié, et qu'il vivait à moitié, acharné à chercher une autre vision de lui-même et désespéré de ne pas se suffire. Vouloir être sans jamais y parvenir. Partagé entre les «peut-être», les «je sais pas» et les «on verra».

Il frappe un coup sur l'évier. Merde . Ses yeux sont l'ultime provocation à son visage : Que veulent dire ses cheveux blonds vénitien ? Que traduisent ses prunelles émeraudes et sa mâchoire triangulaire ? Et sa peau pâle, exprime-t-elle une certaine fragilité ? Et le fait que ses cheveux, que son corps et que les moindres de ses coutures soient fines, qu'est-ce que cela est censé lui apprendre ? Qu'est-ce qu'il dégage ? Si ce n'est pas être chétif trébuchant sur les méandres du monde.

Il frappe de nouveau l'évier avant de se diriger droit sur son enceinte. Il se pose des questions, trop de questions, et vu qu'il n'arrive pas à choisir, il met aléatoire et c'est une musique qu'il vaut qui éclate les murs de sa puissance. Mais il la laisse, parce que, qui sait, demain il l'aimera peut-être.

La porte s'ouvre sur Blaise. Il se glisse derrière lui en posant ses mains sur son ventre, mais Marin bondit à l'autre bout :

- Ne me touche pas ! Arrête, arrête avec ça, pourquoi tu fais ça ? Ca t'amuse ?

Blaise laisse Marin lui enfoncer sa rage dans l'estomac et lui bloquer la gorge. Marin détecte immédiatement son trouble :

- Je suis désolé. Je suis désolé. S'excuse-t-il en ravalant ses larmes. Je préfère qu'on ne se voie plus pendant juste un peu de temps. Finit-il par avouer en quittant la salle de bain.

Il chasse l'image de Blaise désarçonné, blanc et immobile comme une statue et rejoint sa chambre où il arrache de sa penderie tout vêtement efféminé, puis trois tubes de rouge à lèvres et une robe de sa mère qu'il enfilait en secret. Blaise le suit et le regarde sans bouger. Il se dit que tous les deux ils vont droit dans le mur, mais il sait aussi qu'il l'aime, et que tant qu'il supportera ses incertitudes, il attendra.

OsmoseWhere stories live. Discover now