Chapitre VI

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    Les néons violets éclatent la lumière du jour et tordent les notes d'électro en une atmosphère lugubre.

Sur sa chair beige, comme des arcs violacés, le temps sur sa peau disperse la haine.
Pourtant, un sourire creusé au coeur de son visage provoque la douleur. La brave de courir, de bondir et de l'assaillir jusqu'à l'atteindre plus fort, plus ardumment, plus violemment et plus cruellement encore qu'avant. Et après chaque combats, ces mêmes étincelles dans ses yeux qui disent « Encore ». Parce qu'il ne se lassera pas. Parce qu'il attend savoureusement ce jour où les coups s'épuiseront sur sa peau d'acier. Ce jour où leurs famine quémanderont autre chose pour dîner que ses larmes sur le parquet. Ce jour où ils saisiront, que ses larmes, jamais ils ne les posséderont.

Dans l'attente d'un jour qui se meurt, il laisse le poids de son haltère menacer son corps. Il se dit qu'un instant de faiblesse, et c'est tout son torse qui se retrouve broyé. Et il sourit. Encore. Pourtant c'est dans ces mêmes instants, lorsque le funambule regarde le vide, qu'on a tendance à tomber.

Il suspend un dernier souffle sur ses efforts. Se défi de tenir une seconde de plus. Pourquoi pas deux s'il passe la première.
Il veut creuser le plafond et la planète bleue de ses objectifs. Il en veut. Il se veut vorace.

La douleur entaille ses muscles peu à peu, il tente de rehausser l'haltère. Impossible de la lever ne serait-ce qu'à demi. Il ferme les yeux, les dents serrées. Penser à quelque chose qui donne du cran, n'importe quoi, quelque chose, putain, je peux y arriver il pense, je peux, je vais. Je vais y'arriver. Sa respiration se saccade. Il grogne. L'haltère chute sur lui quand les mains de Teva l'agrippent à la volée.

- T'es complètement cinglé ou quoi ?!

Le plafond de blanc s'est comblé. Plus qu'une fine ampoule qui grésille près du mur. Les néons s'éteignent lentement, cédant l'espace aux cris de son frère, là, à faire les cent pas autour de lui et de sa tête qui tourne, de ses muscles qui épousent le sol froid et de ses mains transpirantes couronnées d'un trait rouge dû aux haltères. Il se redresse en soupirant, un sourire d'enfant aux lèvres :

- Bon sinon, tu racontes quoi toi ?

- Tu te fous de ma gueule ?! Mars ! Je plaisante pas ! T'aurais pu te tuer !

- Bla-bla-bla, L'imite-t-il en riant.

Il le décale de son passage pour aller prendre une douche.

- Où tu vas ?

- Me branler.

- Putain Mars, je déconne pas. Grince-t-il en lui agrippant le bras.

Mars hurle intérieurement, la douleur lui donne des hauts le coeur.

- C'est quoi tout ça ? Exige à nouveau Teva en serpentant ses bleus du regard.

- Tu sais très bien ce que c'est.

Teva le lâche. À son teint, on pourrait croire qu'il vient de chuter de 10 étages.

- Encore...? Peine-t-il à prononcer entre ses lèvres pincées.

En réalité, il en a la nausée. Il a des larmes dans les moindres coutures de son corps. Mais Mars est la victime et le courageux, Teva n'a pas le droit d'être le gâté et le faible.

- Arrête tu fais comme les filles ! Se marre Mars. Évidemment "encore".

Il se poste droit devant son frère en le forçant à l'examiner.

- Regarde-moi. Est-ce que j'ai changé depuis mes cinq ans ? J'ai l'air d'avoir changé ?

Mars éclate de rire :

- Et ben non, non hein ?

Teva fait non de la tête, la main de son frère contre sa nuque.

- Mes cheveux sont toujours aussi noirs, mes lèvres toujours aussi rouges, je suis toujours autant extravagant et ma pièce préférée est Richard III. Et tu sais pourquoi je change pas ...?

Il attend une réponse qui éclot par un silence.

- Voilà c'est bien ce que je me disais. Et tu le sauras jamais, parce que toi et moi : on n'est pas pareil.

Il lâche sa nuque, fière.

- Et tant mieux tu me diras, Plaisante-t'il en s'engouffrant dans la douche, ça t'aura au moins évité les coups.

Mars chantonne alors que la chaleur et l'eau font bouillir ses blessures. Il mord dans son biceps pour encaisser avant d'ajouter :

- C'est vrai qu'en faisant médecine, t'as pas pris beaucoup de risques...

Mais Teva était sorti de sa chambre. Il était rentré dans la sienne où tout était plus propre et plus pur, moins bruyant. Pas de voix dans sa tête qui criait « encore » bien que parfois « pas assez». Juste des manuels de science et des milliards de fiches épinglées aux quatre coins du mur comme les boutons d'or dans le ciel.

OsmoseWhere stories live. Discover now