La légende de Nyirdall, Tome 3

Chapitre 7

Egrim se réveilla avec un puissant mal de crâne. Il grommela et se retourna dans son lit, mais un couinement d'animal blessé le fit sursauter. Jean, son petit dragon rouge, s'était lové contre lui comme il le faisait souvent. Egrim se décala pour ne plus l'écraser, puis se laissa lourdement retomber sur l'oreiller.

- Désolé...

- Crétin, fit Jean dans un grognement.

Egrim soupira d'ennui, puis souleva une paupière. Penchant la tête pour apercevoir la fenêtre, il remarqua le soleil bien haut dans le ciel, indiquant presque midi. Le mage sursauta soudain, oubliant son mal ; il était vachement en retard.

- Merde ! Pourquoi tu ne m'as pas réveillé ?!

Jean ouvrit ses ailes en guise de réponse, un geste qui signifiait généralement qu'il était agacé. Egrim l'ignora ; il balança ses jambes hors de son lit et sauta au sol. Pendant quelques secondes, sa vision se brouilla et ses battements de cœur s'accélérèrent. Egrim se cramponna d'une main contre sa table de chevet, le souffle court. Qu'est-ce qui m'arrive ? s'étonna-t-il soudain. Il avait l'impression de couvrir un rhume, ou du moins, c'était un symptôme que les hommes témoignaient souvent sur ce genre de maladie. Or, les elfes n'attrapaient jamais le rhume. Peut-être que j'ai abusé de ma chance en m'exposant à trop de gens malades.

Egrim passa une main sur son visage, puis s'étonna de remarquer qu'il était en sueur. Le doute n'était plus possible ; il couvrait quelque chose.

- Shierlelt !

Egrim attendit que le sortilège de soin fasse effet. Au bout d'une minute, il se sentit un peu mieux ; son mal de crâne avait diminué d'un cran, mais s'il était toujours là, cognant contre ses tempes au rythme de ses battements de cœur.

- Je suis malade, dit-il lentement, comme une malédiction.

Derrière lui, Jean lâcha un petit ricanement. Egrim préféra l'ignorer. Il marcha jusqu'à sa penderie pour se changer, puis réalisa, avec un temps de retard, qu'il avait dormi avec ses vêtements de la veille. Le doute s'insinua alors en lui ; s'était-il évanoui ? Il se rappelait vaguement de sa journée d'hier, et pourtant... les évènements lui semblaient étrangement lointains.

Il se tourna vers Jean qui l'observait d'un seul œil, son corps de serpent roulé en boule sur le lit. Il voulut le questionner, mais il n'arrivait pas à mettre de mot sur le sentiment qui l'étreignait. Après dix secondes à dévisager le dragon, la bouche bêtement ouverte, il abandonna le combat et quitta sa chambre. Jean s'envola aussitôt pour se poser sur ses épaules, comme il le faisait toujours.

Egrim s'avança de trois pas, puis rencontra la ridelle protectrice qui délimitait la mezzanine. Devant lui, en contrebas, le grand salon circulaire de Sin s'étendait. Pourtant, lui-même n'y était pas. S'il était vraiment près de midi, il avait peut-être une chance de le trouver dans sa cuisine, ou alors dans sa boutique... ou n'importe où ailleurs en ville.

Egrim posa une main sur le dragon, enroulé autour de son cou, et se téléporta un étage plus bas pour éviter les escaliers. Il réapparut tout juste devant la porte de la salle à manger, qui était déjà ouverte. L'effort magique embrouilla sa vision, et il trébucha en s'appuyant sur le mur, pénétrant dans la pièce d'une démarche disgracieuse. Il ferma étroitement les yeux, tentant de passer l'étourdissement.

- Egrim !

Soulevant une paupière, Egrim remarqua Sin s'élancer sur lui et l'attraper par les épaules pour le redresser. Généralement, Egrim n'était pas du genre à apprécier les contacts physiques. Pour cette fois, il se laissa tomber contre son maître, qui le guida jusqu'à une chaise haute de l'îlot central.