Eleven

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Je cours.
Je ne m'arrêterai pas.
Je ne suis ni fatiguée, ni glacée par le vent hivernal qui fouette mes bras nus.
Son visage hante ma tête. Je veux revenir en arrière, l'embrasser une dernière fois.
Mon pied se prend dans une racine et je m'étale de tout mon long sur les aiguilles de sapin et les cailloux. L'une des pierres s'enfoncent dans mon genoux.
Je cri, de douleur.
Ma jambe et mon cœur son déchiré.

"- Mattew ! j'hurle. Mattew ! Mattew...

Je n'ai que son nom à la bouche.
Des larmes dévalent le long de mes joues.
Je savais que ça allait arriver, mais je n'avais jamais imaginé à quel point ce vide dans ma poitrine allait être horrible.

- Tu peux pas être mort... Je t'aime trop pour ça... sanglotai-je.

On dit que l'amour est plus puissant que tout.
Plus puissant que la mort également ?
Je n'en ai pas l'impression.
Je griffe de rage mon visage et me mord la lèvre tellement fort que le goût acre du sang envahit ma bouche. Je crache au sol, faisant naître une tâche rouge dans la neige blanche.
Je ne sais pas combien de temps ni de mètres ou kilomètres j'ai couru. Cinq minutes ? Une heure ? Tois heures ?
À vrai dire je n'en ai aucune idée. Je sais juste que je ne connais pas cette forêt de sapins recouverte de neige.
Je n'ai ni téléphone, ni vêtements et surtout pas la force de me relever.
Je ramène mes genoux contre ma poitrine en prenant soudainement conscience du froid. En tee-shirt, dans une forêt, le jour de Noël.
Je claque des dents et la neige a mouillé mes vêtements. Peut être que mes larmes vont elles-mêmes glacer, qui sait ? Je vais peut être glacer. De toute façon je m'en fous.
Je n'ai plus de copain, plus de cœur et plus d'espoir.
Je ferme les yeux et me sens sombrer petit à petit.
Cette solution est sûrement la meilleure. Je retrouverai Mattew là haut, je ne pourrai plus être triste.
Ouais, ça me convient.
Je détend mes muscles et me laisse tomber dans l'autre monde.

Bip. Bip. Bip-bip. Bip-bip-bip.

J'ouvre les yeux. Un lit d'hôpital. Tous les souvenirs de la veille me reviennent en tête.
Donc ces toubibs ont réussi à me sauver moi alors que je n'en avais pas en vie, mais Mattew lui meurt.
Génial.
Ils n'auraient même pas pû me laisser crever dans ce trou ?
J'étais bien. J'allais revoir Matt. On aurait vécu (enfin mouru) ensemble. Ça aurait été cool. Comme dans Roméo et Juliette.
Mieux vaut que je ne pense pas à ça.
C'est trop tard. Je suis en vie.
Un médecin rentre dans la chambre et je m'empresse de fermer les yeux.
Il défait un bandage sur ma jambe et en remet un autre.

"- Je sais que tu ne dors pas, Maya.

Je ne répond rien.

- Tu n'aurais pas voulu qu'on te sauve, n'est-ce pas ?

- À ton avis ducon ? dis-je en ouvrant les yeux.

Ouais j'ai envie d'être gentille avec personne.

Il sourit, cet imbécile et je roule des yeux. Ce monde est con.

- Pourquoi vous m'avez sauvé ? je demande.

- Tu mérites de vivre.

- Mattew aussi le méritait.

- Et tu penses qu'il aurait voulu que tu meures ?

- Non.

Je me remémore les promesses que je lui ai faites.
Se reconstruire.
Réaliser mon rêve.
Ouais, c'est sûr que c'est pas en me laissant crever dans la neige que j'aurai fait tout ça.

- Donc tu aurais voulu mourir par égoïsme. Tu aurais été la seule heureuse dans tout ça. Mattew, ta mère, ton père, tes...

Je le coupai :

Goodbye.Where stories live. Discover now