23 : DYLAN + MERCIER = AMITIÉ

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Ce vendredi de début février, je terminais les cours à 15 heures. J'avais prévu de profiter du skatepark, avant la fin des cours et l'invasion de 16 heures 30. Je suis passée récupérer ma planche à la Vie Scolaire, Étienne la surveillait depuis le matin, au pied de son bureau. Quand il m'a vue, il s'est penchée pour la prendre avant même que je ne la réclame.

─ J'espère qu'elle a été sage, ai-je plaisanté.

─ Un vrai plaisir, elle fait pas de bruit, elle ne bouge pas, si seulement tous mes élèves étaient comme elle.

J'ai ri, passant la planche sous mon bras. La Vie Scolaire était vide et silencieuse. J'étais sur le point de partir, quand Étienne m'a retenue.

─ Gina ? Excuse-moi pour l'autre jour. J'ai donné l'alerte, je croyais vraiment que ça n'allait pas chez toi.

J'ai haussé les épaules, je ne lui en voulais pas.

─ Vous pouviez pas savoir. C'est sûr qu'on sait pas ce qui se passe dans les maisons des gens. Faut continuer à donner l'alerte, je vous assure. Vaut mieux être inquiet pour rien que pas être inquiet du tout.

On a échangé un sourire entendu. Aurais-je dû lui parler de Dylan ? Peut-être. Sûrement. Mais ça aurait été le trahir. De nouveau. Il n'y avait pas d'option parfaite, dans l'histoire. Ou peut-être que si, mais je ne l'ai pas choisie... J'ai quitté le lycée, un regret dans le ventre, des « et si ? » plein la tête.


J'ai skaté une bonne heure avant d'avoir de la visite. Au début, j'ai aperçu une silhouette élancée au loin. Plus elle avançait, plus j'en ai reconnu des éléments. La veste en jean avec de la moumoute, le pantalon moulant, les bouclettes sous le bonnet. Dylan est venu à ma rencontre, il n'avait pas de skateboard, juste son sac à dos sur les épaules.

J'ai vu dans la scène une belle inversion de ma première venue sur les lieux ; à l'époque, j'avais les mains dans les poches, pendant que lui skatait. Dylan s'est planté devant moi, il m'a souri tristement. Le soleil amorçait sa chute vers l'ouest, irradiant son dos d'une lumière jaune de fin d'après-midi. J'ai fait une visière avec mes mains. Je lui ai demandé :

─ Ça va ?

La veille, il était finalement rentré chez lui, malgré notre proposition de l'accueillir. J'aurais préféré qu'il quitte le foyer, mais Dylan n'y semblait pas résolu.

─ Ça va, a-t-il acquiescé.

─ Ta mère ?

─ Plutôt cool. Elle a eu peur, elle a cru que je m'étais barré pour de bon. Elle s'est excusée, elle m'a même payé un nouveau tel. Elle est partie ce matin, mais bon, au moins, on est en bons termes.

Son discours m'a dérangée. C'était exactement ce à quoi je me serais attendu venant de la part de sa mère. Je l'ai prévenu :

─ Elle recommencera.

Dylan a haussé les épaules. J'ai soupiré. Au fond de moi, je savais que c'était un moyen pour lui de se protéger, de faire comme si ce n'était pas si grave que ça. Il n'empêche, c'était douloureux à voir. J'ai changé le sujet de la conversation :

─ Eh, tu veux voir un truc ?

Pour réponse, j'ai posé ma planche à terre, mis mon pied gauche sur l'extrémité et mon pied droit au deux tiers du skateboard. Concentrée, j'ai contracté les abdominaux et préparé mon saut. D'une impulsion, j'ai fait voler la planche. Les roulettes ont claqué sur le sol, mes yeux fiers ont cherché Dylan. Un sourire entravait ses lèvres. Il a applaudi avec révérence.

Dylan Mercier doit payerWhere stories live. Discover now