Chapitre 6

22 6 2
                                    

La nuit est en train de pointer le bout de son nez, et nous marchons un moment entre les sapins vêtus de leur parure blanche avant de déboucher sur une plaine afin d'admirer le coucher de soleil. Les rayons orangés se reflètent sur les cristaux de neige, offrant un paysage à couper le souffle. Je fournis un petit carré de couverture imperméable à chacun et nous nous installons sur le sol glacé pour profiter du spectacle. Tout le monde accuse le coup de la fatigue et du surplus d'émotions et le silence glisse sur le manteau de neige. Ce soir, après le dîner, le groupe se séparera, et chacun fêtera Noël de son côté. Cette idée me provoque presque un petit pincement au cœur, alors que je n'attendais que ça depuis le début.

Presque.

Avant que le soleil ne disparaisse dans sa course contre le temps, Min-jun propose de prendre une dernière photo tous ensemble, dans la lueur dorée mettant en valeur nos visages colorés de plaisir.

Il installe rapidement son trépied et enclenche le retardateur pendant que nous nous regroupons face à l'objectif. Il appuie sur le bouton et court pour nous rejoindre, s'agrippant de justesse à mon bras alors qu'il glisse sous la neige. Je le rattrape au moment où l'obturateur produit son bruit reconnaissable. Le mode rafale est activé et nous prenons plusieurs poses rigolotes jusqu'à ce que le ciel assombri nous empêche de continuer.

Seulement trois jours se sont déroulés depuis leur arrivée, et pourtant, en comparaison de tous les séjours que j'ai pu diriger depuis que j'ai commencé à travailler pour Lyon Korean Tour, c'est le premier groupe qui me fait me sentir aussi bien. Peut-être est-ce lié aux derniers évènements, ou aux sentiments ambivalents qui m'envahissent dès que Min-jun est dans les parages, c'est-à-dire quatre-vingt pour cent du temps, mais je sens que quelque chose change en moi. Une décision est en train de se former dans mon esprit, et j'ai d'ailleurs l'impression qu'elle est déjà très claire dans mon inconscient. Mais je préfère la laisser venir tranquillement à moi. Je sais que cela a un lien avec l'annonce de Roger. Ça me rend inquiet concernant ma santé financière, mais j'ai aussi l'impression que cela me libère d'un poids d'une certaine manière. Comme si cela m'enlevait les chaînes invisibles qui me retenaient depuis tant d'années. Je n'ai pourtant jamais été obligé de rester au sein de cette boîte, mais je me sentais presque redevable. Et puis, en toute honnêteté, ça me plaisait quand même plutôt bien. Finalement, cela va me permettre de prendre un nouveau souffle. Je déteste l'inconnu, mais aujourd'hui j'ai presque envie de foncer tête baissée en plein dedans.

***

Le dernier restaurant partagé avec mon groupe se révèle assez épique. Si certains ont eu un peu de mal avec la dégustation de fromages en fin de matinée, ils n'ont pas été déçus quand ils ont découvert que le repas du soir consistait soit en une raclette, soit en une fondue savoyarde.

— Il s'agit de deux plats emblématiques de la région. Tout Lyonnais qui se respecte, et même tout français en général, entame la saison hivernale par une bonne raclette ou fondue. Il s'agit d'un repas très social pendant lequel les amis se retrouvent et utilisent la nourriture pour se réchauffer face au froid qui s'installe. Dans le cas de la raclette, il y a une grande variété de saveurs disponibles. Le principe consiste à faire fondre le fromage puis le laisser couler sur une patate chaude et mélanger avec de la charcuterie. On peut agrémenter le tout de cornichons et d'oignons, et d'un bon verre de vin blanc.

— Et la fondue ? demande le partenaire de Joo-hee.

— C'est aussi un plat de partage. Il s'agit dans ce cas de fromage mélangé à du vin de Savoie, remué jusqu'à être parfaitement fondu. On y trempe un morceau de pain pour l'enrober et le déguster ! Il est d'usage de donner un gage à celui qui perd son morceau de pain dans la marmite !

Lyon sous la NeigeWhere stories live. Discover now