Chapitre 9

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Il n'y a aucune sensation plus agréable que de toucher la terre ferme. Je me sens tout de suite mieux dès que nous regagnons le sol, et je me jure de ne plus jamais réitérer l'expérience.

Le vent glacé a pénétré mes vêtements et je n'arrive pas à me débarrasser des frissons qui me font grelotter.

— Allons nous réchauffer dans un café, propose Min-jun. Tu as l'air frigorifié.

Je hoche la tête et il passe son bras sous le mien pour m'entraîner dans la rue.

— N'est-ce pas moi qui suis censé te guider ? ris-je en le suivant.

— Ce soir, c'est moi qui ouvre la marche !

— Mais tu ne sais même pas où tu vas, rétorqué-je.

— C'est ça que j'adore !

Je le suis au travers des rues du centre-ville avant qu'il jette son dévolu sur un petit café encore ouvert malgré l'heure tardive. L'intérieur douillet et feutré nous accueille, avec des murs emplis de livres du sol au plafond. Nous nous installons autour d'une table et commandons tous deux un chocolat chaud. Je rajoute également un carrot cake à partager avec lui.

Nous passons plusieurs heures à discuter de tout et de rien, de nous aussi. Je ne me suis jamais autant senti à l'aise avec un inconnu. Enfin, plus si inconnu désormais, mais que je connais depuis si peu de temps. Tout paraît normal entre nous et les échanges faciles se révèlent si apaisants. J'apprends ainsi qu'il a très tôt perdu ses parents et a été éduqué par ses grands-parents. Qu'il est donc devenu très vite autonome et a rapidement eu envie de découvrir le monde. Il a du mal à rester trop longtemps au même endroit, ce qui l'a dirigé vers son métier de digital nomade. Il crée des sites web et des contenus numériques pour des entreprises ou toute personne qui le missionne pour cela.

— De la sorte, je peux travailler depuis n'importe où. Là, je pourrais décider de sortir mon ordinateur et me mettre à bosser. Du moment que je bénéficie d'une connexion internet et de quoi brancher mon chargeur, tout va bien. Mais je suis en vacances, alors je profite de ces moments de liberté suprême.

— J'ai un peu l'impression d'être le total opposé. Pour être transparent, j'ai la sensation depuis quelque temps d'être en train de me transformer en pierre. Je manque d'intérêt pour tout ce qui m'entoure, je ne sais pas quoi faire de ma vie. Je passe plus de temps enfermé chez moi à voyager au travers de livres ou de films plutôt qu'à prendre mon courage à deux mains pour réserver un billet d'avion. Je te trouve inspirant.

— C'est juste ma personnalité. Si la tienne est d'être une pierre, alors tout va bien avec ça. La seule question que tu dois te poser, c'est si ça te rend heureux ?

— Pas vraiment, avoué-je.

— Dans ce cas, il ne tient qu'à toi de changer ça.

Je ricane. Plus facile à dire qu'à faire.

— C'est vrai, hein. Je n'ai pas dit que c'était simple. C'est même une énorme montagne à gravir en toute honnêteté. Mais crois-moi, ça en vaut la peine. Il faut juste trouver les moyens de le rendre possible. C'est aussi accepter de prendre des risques, ajoute-t-il avec un sourire en coin.

Je hoche doucement la tête sans répondre. Mon cerveau est enclenché en pleine vitesse et je médite dans le silence confortable qui nous entoure. J'apprécie sincèrement les échanges que nous avons, qui nourrissent ma réflexion. Min-jun est tellement ouvert sur le monde et sur les autres que c'est une véritable bouffée d'air frais.

Lorsque nous rentrons, Min-Jun verrouille à nouveau son bras dans le mien, et je ne l'empêche pas. Je ne sais pas ce qui se joue entre nous ni ce qui est en train de s'installer, mais cela ne me déplaît pas. Au contraire. Et je tente de suivre ses conseils en me laissant guider, en essayant de ne pas trop réfléchir. Je me contente de ressentir, et là, tout de suite, la sensation de son bras contre le mien est agréable. Très agréable.

Lyon sous la NeigeWhere stories live. Discover now