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عناية

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عناية

bien que ça fasse déjà une semaine que je suis de retour dans la capitale française, je n'arrive pas à me réhabituer à entendre les gens parler français autour de moi. il est vrai que j'ai passé les dix dernières années dans les quatre coins du monde, entourée de langues et de cultures complètement différentes de celle de la france, ma france. entre les six mois passés en sibérie ou les cinq années où j'étais installée au mexique, on peut dire que j'étais dépaysée. je serai éternellement reconnaissante d'avoir eu les moyens et la possibilité de voyager autant. vivant dans une illusion tout ce temps, je suis bien vite revenue à la réalité dès le moment où je suis rentrée à paris, après n'avoir pas mis un seul pied en france pendant dix ans.

je paie mon paquet de limonade avec un billet de dix euros et je fronce les sourcils quand je vois qu'elle ne me rend que quelques centimes. ça aussi, ça a bien changé depuis mon départ. tout est devenu trop cher, les prix du mexique me manquent. j'ai passé cinq ans à mexico city, travaillant dans un petit lycée de banlieue en tant que professeure. j'ai un diplôme de professeure des écoles primaires mais ils avaient vraiment besoin de quelqu'un et mon diplôme était le dernier de leurs soucis. mon job principal était de m'assurer qu'ils viennent tous en cours et ne finissent pas en prison, ce qui était loin d'être facile. j'ai quand même beaucoup aimé travailler là-bas et j'aurais pu rester quelques années de plus.

une fois dans la rue, je marche jusqu'à mon nouvel appartement, le paquet de limonade posé sur ma hanche. le défaut de connaitre paris comme ma poche, c'est d'avoir l'impression de revivre des moments de mon adolescence à chaque fois que je suis dehors. je nous revois prendre nos jambes à notre cou en sortant du tabac d'en face parce qu'on avait volé un paquet de cigarettes, trop jeunes pour en acheter.

je rentre dans mon nouveau chez moi, souriant à l'entente de la voix de ma soeur. elle a une belle voix et aime beaucoup chanter, c'est un régal pour mes oreilles. elle sursaute en me voyant arriver et soupire ensuite.

— inaya, on annule la coloc. je crois que je vais jamais m'habituer à ta présence.
— ta gueule, je peux pas me payer un appart avec mon salaire de prof. tu vas me supporter et continuer de sursauter!
— t'as acheté quoi? elle change de sujet.
— de la limonade, t'as rien à boire ici.
— je bois que de l'eau moi, healthy lifestyle on a dit.
— t'es gênante.

amal roule des yeux et elle s'affale dans son canapé, notre canapé.

— les parents t'ont invitée à manger ce soir, elle m'informe.
— moi, toute seule? et toi?
— moi je suis avec mon mec, j'évite d'être chez les vieux autant que possible.

je grogne et je m'assois à côté d'elle.

— c'est horrible d'être avec eux, ils ne me lâchent pas avec leur mariage et tout ce bordel!
— meuf, t'as bientôt 29 ans et t'es pas mariée, bien sûr qu'ils vont pas te lâcher! ils aimaient beaucoup enrique en plus, ils y croyaient vraiment...

je grimace à l'entente du prénom de mon ex-fiancé, la rupture est récente et pas encore totalement guérie. c'est moi qui ai mis un terme à la relation mais ce n'est pas pour autant que ça ne me fait pas mal d'en parler.

— mais enfin, bref. j'irai et je subirai!

on rit et elle change de sujet.



j'aide ma mère à mettre la table et mon père s'en mêle, il me prend les assiettes des mains et me fait un signe de la main.

— c'est moi qui fais ça, vas t'assoir.

je ricane et je m'assois à table, les laissant faire comme dans leurs habitudes. nombreux s'arracheraient les cheveux à cette vue, dans ma famille maghrébine. j'ai la chance d'avoir eu une éducation dans laquelle on m'a appris que chacun devait mettre la main à la pâte. on a toujours fonctionné comme ça et on s'en sort tous bien, je peux promettre que mon père n'est pas traumatisé de passer l'aspirateur ou faire la vaisselle.

une fois qu'ils ont mis la table, ils viennent s'assoir eux aussi. leurs regards se posent sur moi et ça me met rapidement mal à l'aise. je peux comprendre que ça leur fasse bizarre de me voir à la maison après une décennie mais ça me stresse d'être autant observée.

— comment tu te sens? me demande mon père.
— ça va, c'est un peu bizarre d'être ici. mais je crois que je vais finir par m'y habituer.
— oui, on espère que tu vas vite prendre tes repères. au final, il y a peu de choses qui ont changé depuis que tu es partie.

je souris, je sais bien que c'est faux. énormément de choses ont changé en dix ans. j'aime le fait qu'ils essaient de me rassurer, mais je ne crois pas que ça soit nécessaire.

— baba, yemma, c'est bon. c'est un gros changement dans ma vie et c'est normal que ça me perturbe un peu, mais je vais bien. vous inquiétez pas pour moi.
— d'accord. on a juste peur de te perdre à nouveau.

voir mes parents s'inquiéter pour moi me déchire le coeur, mais je sais qu'ils ont raison au fond. à chaque rupture, je n'arrive pas à gérer mes émotions et je quitte le pays. je ne sais pas gérer les crises autrement. je ne sais donc pas comment je réagirai le jour où je le croiserai, après dix ans, dans un supermarché ou en pleine rue. peut-être qu'il viendra me dire bonjour, peut-être qu'il changera de trottoir sans se retourner. peut-être qu'il me dira qu'il est marié et qu'il a des enfants, peut-être qu'il me dira qu'il n'est pas passé à autre chose. je ne le saurai pas à moins que ça arrive.

— tu as revu d'anciens amis, benti? me questionne mon père.
— non, pas encore. ils veulent faire une réunion des copains du lycée, pour fêter les dix ans de notre bac. je sais pas trop si je vais y aller.
— tu devrais... dit maman.
— ouais, sûrement. il faut que je fasse un effort pour renouer les liens avec certaines personnes.

pour être honnête, je ne sais pas qui acceptera de renouer les liens avec moi. il est vrai que je suis partie subitement, sans prévenir qui que ce soit — sauf mes parents. ma meilleure amie, qui devait être ma coloc à la fac, s'est retrouvée toute seule du jour au lendemain sans que je puisse lui expliquer pourquoi. j'en étais incapable. et je comprendrais pourquoi certains pourraient être incapables de me pardonner mon départ, même dix ans plus tard. je pense qu'à leur place, j'aurais aussi été blessée et vexée. mais je l'étais, et c'était mon seul moyen de m'en sortir, de partir.

premier chapitre posté!! j'espère que ça vous plaira et que vous serez nombreux/ses dans cette aventure! pendant les vacances et tant que j'aurai la motivation + le temps, je posterai une fois par jour (dans la mesure du possible bien sûr). je reprends goût à écrire sur wattpad donc ça sera tout au feeling!
gros bisous et à bientôt !!

nuit sans étoile - mekraWhere stories live. Discover now