nuit sans étoile - mekra

١٠

عناية

le lundi matin qui suit, contre toute attente, c'est hakim qui amène maelia à l'école. alors que je me tenais droitement dans la cour en train d'attendre l'arrivée de mes 25 lapins, je me sens ramollir au fur et à mesure que je le vois s'approcher de moi. maelia court pour me dire bonjour et s'ajoute à la colonne après avoir salué son père. contrairement aux premiers jours, elle n'a plus aucun souci au moment de se séparer de ses parents le matin.

j'espérais qu'il parte après l'avoir accompagnée mais il se décide à venir me serrer la main, me regardant droit dans les yeux. ce contact physique m'envoie une décharge électrique dans tout le corps et ce moment semble irréel.

— bonjour, je me présente: hakim, je suis le papa de maelia.

donc il fait semblant de ne pas me connaître. ça fait bien plus mal que je ne le pensais. j'ai l'impression que je vais m'évanouir, je sens mes oreilles siffler et je n'entends plus rien autour — même pas le bruit que tous ces enfants font.

— inaya, la maîtresse de maelia.
— d'accord. elle m'a beaucoup parlé de toi.

il est très froid et distant mais il me tutoie, c'est un peu contradictoire. je ne comprends pas vraiment sa façon de procéder là. il maintient le contact visuel mais je n'y arrive pas; dès que mes yeux croisent son regard brun et sombre, je perds tous mes moyens. il n'a pas beaucoup changé mais il a pris de l'âge, c'est un homme à présent. il a plus de barbe qu'à l'époque et il semble plus mature. son corps est également plus musclé et il a l'air plus grand, plus imposant. la seule chose qui a changé c'est qu'il n'y a plus aucune émotion dans son regard, il est froid et vide.

d'autres parents arrivent donc il recule et nous observe pendant que j'accueille les derniers élèves. je les compte un à un et je leur fais signe d'entrer une fois qu'ils sont tous là. je croise une dernière fois le regard de hakim avant de m'engouffrer dans le bâtiment.

je fais de mon mieux pour suivre les rituels et le cours habituel de la journée, mais mes pensées sont ailleurs. je ne suis pas présente, j'ai l'impression d'être dans une bulle. j'ai l'impression de marcher en équilibre sur un fil et que tous les bruits sont lointains. je n'arrive pas à me concentrer sur le moment présent, toutes mes pensées vont vers cette poignée de main ou vers son regard.

— ça va inaya? me demande mon atsem.
— pas trop, j'avoue.
— tu veux rentrer? on peut appeler la direction pour te trouver un ou une remplaçant(e).
— non t'inquiète, je dis en regardant l'horloge qui indique onze heures. il reste une demi-heure avant le repas de midi.
— comme tu voudras.

je sonne la cloche pour annoncer qu'il est l'heure du temps libre pour jouer. je m'assois à mon bureau et je fixe un point imaginaire dans la pièce, ressassant mes erreurs du passé. je suis tellement dans la lune que je me réveille uniquement lorsque la sonnerie retentit. je dis aux élèves de tout laisser en place et qu'on rangera l'après-midi. par chance, mon atsem est géniale et elle s'occupe d'accompagner les élèves rejoindre leurs parents.

je m'assois par terre contre le mur et je m'effondre. c'est quand gia entre dans ma classe quelques minutes plus tard que je réalise que je pleurais très fort.

— qu'est-ce que t'as, cara mia? elle me prend dans ses bras.
— je vais pas y arriver, je pleurniche.
— de quoi? mais tu gères ! ta classe est incroyable alors que c'est que la troisième semaine !
— je parle pas de ça...
— alors de quoi?
— tu te rappelles de mon premier amour?
— oui, celui qui t'a fait fuir la france?
— oui, je ris. bah c'est le père de maelia et il l'a amenée ce matin donc on s'est revus et il a fait comme s'il me connaissait pas...

je me remets à pleurer et gia reste un moment avec moi pour me consoler, jusqu'à ce que nos deux ventres commencent à crier famine.

le reste de la journée, je suis là sans être là. je n'ai pas la force de parler de ce que je ressens, même à gia.

l'après-midi, je suis un peu plus concentrée sur mon travail mais je suis vidée de toute énergie. je me limite au minimum et mes petits comprennent rapidement que je ne suis pas trop disponible aujourd'hui. je les remercie intérieurement pour ça.

en fin de journée, je les accompagne dans la cour et je souffle un bon coup en voyant hakim. il s'approche mais maelia reste près de moi.

— t'es prête benti, on y va?
— oui!

elle court dans les bras de son père et mon cœur se serre à cette vue.

— sinon... ça se passe bien pour maelia à l'école? ça s'est bien passé aujourd'hui?
— oui, tout va bien. elle est au top!

il s'intéresse vraiment au début de scolarité de maelia et à la manière dont elle s'intègre avec les autres. je ne comprends pas pourquoi la maman s'inquiète autant, il n'a pas l'air perdu.

après cet échange, je retrouve gia dans sa classe et je soupire bruyamment. je m'assois sur le pouf au fond de la classe et elle me rejoint.

— ma pauvre choupette, faut que tu te reposes un peu et que tu lâches prise. il faut faire la part des choses et t'imaginer que c'est simplement le père de maelia. je sais que c'est facile à dire mais si tu réagis comme ça à chaque fois que tu le croises, l'année va être longue ma belle!
— je sais, je grogne. je trouve juste ça injuste. pourquoi ça devait tomber sur moi?
— j'avoue que c'est mal fait !

on finit par en rire et je sors mon portable de ma poche quand il commence à vibrer.

— rayan ? c'est qui ça ? me questionne gia.
— orhhh, je grogne. m'en parle pas... ! c'est un mec que j'ai embrassé en boîte ce week-end... je crois qu'il est intéressé mais je peux pas aller plus loin.
— pourquoi?
— regarde comment je réagis en voyant mon premier amour, comment tu veux que j'me lance dans une nouvelle relation?
— tu te prends trop la tête. c'est normal d'être perturbée de le revoir après dix ans, ça veut pas forcément dire que tu peux pas passer à autre chose.

— ♡ —

coucou ! je vais essayer de poster un peu plus régulièrement...
ce chapitre m'a trop fait mal au cœur mais on est obligés de passer par là pour la suite !!
qu'en pensez-vous? dites-moi tout !
bisous