CHAPITRE 1

31 6 0
                                    

Je fermais pour la dernière fois la porte du cabinet de mon psychiatre. L'ordonnance dans ma main droite, je la déchirais pour la mettre dans la poubelle.

Quel psychiatre bidon.

Depuis moins d'un an, je suivais un spécialiste pour calmer mes cauchemars, qui d'après mon médecin généraliste, étaient la cause de mes vomissements réguliers. Ma mère ne voulait pas en parler aux spécialistes : elle n'avait plus le choix car mon état devenait inquiétant.

Parfois, elle se comportait bizarrement. Elle veillait, lisait des journaux, s'absentait dans son bureau pour passer des coups de téléphone.

Katrine, ma mère, était une sorcière. Son temps était pris par les visites régulières de plusieurs passants surnaturels. Je restais impressionnée devant ces êtres immortels.

Malgré son don, elle n'arrivait pas à calmer mes cauchemars, les mêmes depuis plus d'un an. Je ne possédais pas d'éléments traumatisants dans ma vie mais ces cauchemars prouvaient le contraire.

Toujours les mêmes : seule, dans le noir àappeler quelqu'un. Tous les matins, j'essayais de noter mes rêves. J'enregistraischacun d'eux pour comprendre les mots que je hurlais dans la nuit. Je parlais dans une langue inconnue. Ma mère arrivait en courant, apparemment toujours éveillée. Elle caressait ma tête pour me rassurer jusqu'à ce que je me rendorme.

Les médicaments ne fonctionnaient pas. Mon psychiatre me donna pour la dernière fois, une ordonnance pour récupérer des médicaments plus forts. Cela n'avait aucun intérêt surtout que les rendez-vous n'avaient plus de sens. Le docteur cherchait une raison de mes terreurs nocturnes : l'environnement au lycée, ma mère préoccupée.

Depuis que j'étais sortie du cabinet, j'observais les rues désertes et je profitais du froid de l'automne. Le fait d'être seule me soulageait. Je n'avais plus à supporter toutes ces questions que me posaient les médecins, les professeurs sur mes absences. Je souhaitais être tranquille : suivre le cursus normal des humains n'était peut-être pas la meilleure chose pour moi. Ma mère aurait dû me mettre dans une école qui brassait tous les êtres surnaturels. Je ne serais pas stressée par les cours de mathématiques, d'histoire ou de littérature pour avoir un diplôme qui me permettra d'accéder aux études supérieures.

Les écoles dans les territoires autres que le Centre,nom donné par les créatures pour désigner la région des Humains, permettaientde développer sa magie, d'apprendre à se battre et de choisir deux cursus. Lepremier permettait de se spécialiser dans différents métiers : vendeur etcréateur d'armes, botaniste, couturière et plein d'autres. Le deuxièmepermettait de rejoindre l'Armée spécialisée de chaque école. Elle permettaitd'aider les populations dans le besoin face à un phénomène magique mais aussila police dans le Centre. Peu de personnes étaient au courant que des créaturesqui vivaient parmi nous. Seuls ceux qui possédaient des parents non-humainsconnaissaient l'existence réelle de ce monde. Ma mère me racontait brièvement les histoires des peuples. Je n'y croyais pas tellement : à part ma mère, je n'avais jamais rencontré une autre personne « non-humaine ».

Depuis des centaines d'années, trois femmes portant le nom de Prêtresses, gouvernaient le monde. Ma mère ne m'expliquait pas grand-chose à ce sujet car elle n'était pas encore née. Dans les autres écoles, il s'agissait d'un sujet important à aborder en cours.

Ma ville vivait une situation que le territoire entier, même ceux au-delà du Centre, subissait. Plusieurs affiches de disparition placardaient les murs et les magasins : des hommes, des femmes, des adolescents disparaissaient tous les jours sans laisser aucune trace. D'abord, la police pensait à des divorces, des histoires de famille sombres, des fugues, des adolescents rebelles. Mais les disparitions devenaient trop fréquentes et nombreuses.

Tout au long des journées, j'observais des étudiants, voire des adultes, portant un uniforme de couleur fouillant les lieux. L'Armée traînait dans les lieux de disparition pour trouver des indices mais rien ne remontait aux oreilles de la police. Mystérieuses, ces personnes ne se mélangeaient pas à la foule. Mon instinct voulait croire à ces êtres magiques, différents de ma mère.

Derrière moi, j'entendis des pas. Une personne prenaitla même direction que la mienne, mais sa façon de marcher ne m'inspirait pasconfiance. J'avais un drôle de pressentiment : l'ombre de la personne seprojetait devant moi grâce à la lumière des lampadaires. Elle se rapprochait deplus en plus et je pouvais distinguer sa voix masculine, bredouillant desparoles incompréhensibles. L'ombre avançait de façon nonchalante, malveillante. Ses pas hésitants se rapprochaient de moi. Je n'avais qu'une envie : prendre mes jambes à mon cou.

Je n'étais plus très loin de chez moi. Je devais courir mais je me sentais paralysée des jambes. L'inconnu accéléra ses pas jusqu'à sentir son souffle, haleté par la fatigue. Je tournais dans une ruelle, voulant lui échapper et croire qu'il s'agissait d'une coïncidence.

Dans cette rue étroite, les pas résonnaient toujours. Je n'avais plus aucune issue puisque mes mains touchèrent le béton froid et humide d'un grand mur.

— Chouette, une impasse, chuchotai-je.

Mon regard se tourna devant l'homme qui me suivait depuis plusieurs minutes. L'inconnu était grand dont les épaules larges lui donnaient un air imposant. Les lunettes rectangulaires sur son nez, j'observais ses yeux révulsés. Ses lèvres s'entrouvrirent et laissent des paroles inaudibles, dans une langue étrangère.

Dans l'une de ses mains, il pointait la lame de son couteau dans ma direction. Il semblait hors de contrôle, comme s'il n'était pas lui-même. L'homme portait une odeur insupportable, comme celle d'un cadavre en putréfaction. L'inconnu continuait de mener une conversation à lui-même.

Ma main poussa son torse pour le reculer. Je devais m'enlever de ce pétrin et me faufiler à côté de lui pour sortir de cette impasse. Rapidement, il me prit la main et la plaqua contre le mur. Mes jambes donnèrent des coups à l'homme mais, je ne pouvais pas résister face à sa force. Son regard froid et méprisant, il bloqua mes mouvements avec sa jambe entre mes cuisses.

Mon front essaya de cogner son visage dénoué d'expression.Son couteau dans sa main, la pointe toucha ma joue chaude ; le froid du métalétait désagréable. Toujours inconscient, il continua à marmonner des mots incompréhensibles. Par peur, je lâchais un hurlement. L'homme finit par me lâcher, surpris par mon cri. Il jouait avec son arme : sa lame passait sur son corps, déchirant son manteau noir. L'homme continuait son spectacle puis il me regarda, la main au-dessus de sa tête. Il était prêt à me tuer.

Un autre homme apparut derrière l'inconnu. Une longue cape rose descendait jusqu'à ses chevilles. Autour de ses hanches, sa ceinture portait des petits couteaux de lancer. Mon adversaire se retourna, la main tremblante.

Je pouvais m'échapper et être libre. L'autre homme allait régler son compte et je pouvais retourner chez ma mère.

L'inconnu porta le premier coup. Le corps vacillait à gauche, puis à droite puis il essaya de donner un coup de pied, à celui qui semblait être mon allié. Rapidement, l'inconnu lui enleva son arme pour lui donner un coup dans le visage. Les os craquèrent un à un. L'ennemi porta ses mains à son nez puis il laissa échapper un cri long et lourd.

Le sang gicla sur le sol. En un clin d'œil, le second coup avait été porté sur les côtes. L'ennemi à genou, il reçut un autre coup qui laissa un craquement sec. Le corps s'effondra, n'ayant plus aucune force. Il venait de mourir, juste après trois coups.

L'homme à la cape rose voulut me rejoindre. Je n'arrivais pas à savoir s'il s'agissait d'un ennemi ou d'un allié. Il essaya de me tendre la main mais, mon corps restait pétrifié suite à ces événements. J'étais prise dans un tourbillon d'angoisse, de peur et d'incompréhension sur la cruauté de ses actes. Pourtant, c'était soit lui, soit moi.

Je me sentis épuisée et je voulais rentrer chez moi. Mes doigts frôlèrent les siens puis je perdis connaissance.

Le Prince Immortel (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant