Chapitre 11 - A la recherche d'un style haut !

41 4 6
                                    

François était prêt à déverser des tonnes de lignes et de livres sur la planète, mais il ne savait pas quoi écrire ! La page blanche ! Le trou noir ! Il n'avait même pas de stylo ! Il n'écrivait jamais ! Il ne faisait que lire !
Au fond d'un tiroir il retrouva un vieux stylo bille tout machouillé qui datait du lycée.
Le retrouver lui procura les sensations de cette époque bénie où apprendre, s'instruire et s'occuper l'esprit l'emplissaient de joie ! mais aussi époque de mal-être permanent où son agoraphobie, sa profonde dépression, et son manque d'ami et d'amour l'enfermaient dans la forteresse froide de sa solitude.

Écrire lui ferait tendre enfin la main vers les autres. Il toucherait le monde enfin de sa plume magique ! Mais à distance, de loin, sans s'impliquer dans des relations humaines complexes tordues et destructrices.

Écrire...

Mais écrire sur quoi ? Il ne voyait pas encore la lumière dans son tunnel. Alors il voulut percer des petits trous pour y laisser entrer la lumière. Il voulait tout essayer, tout tenter, se frotter à tous les styles, pour trouver Son style.

Il ne voulait pas suivre qu'une seule piste mais se lancer sur toutes les pistes !

Son appétit démesuré de lecteur se retrouvait dans l'écriture !

L'encre aller couler ! Et les petits ruisseaux bleus allaient donner de grands océans aux vagues puissantes !

Il se sentait omnipotent, invincible, intouchable.

Il était le chevalier.
Sa plume était son épée.
Et il allait atteindre le monde
en plein coeur
Comme le dragon immonde
De ses peurs.

Il était prêt et armé.

La stratégie d'attaque était réfléchie. Il allait procéder par ordre. Il lista d'abord les différents genres littéraires.
Il voulut s'essayer à chacun, un peu comme sur un stand de tir où l'on peut essayer différentes armes pour voir celle qui nous correspond le mieux.

Il réfléchit à tous les genres existant.
- C'est tellement vaste le choix d'un écrivain ! Tant de choix possibles ! Tant de sujets ! De styles ! De paysages et d'époques possibles ! François vit tournoyer devant ses yeux tous les romans qui l'avaient marqué.
Le roman policier était son premier amour, mais tout ce suspense revécu l'empechait de trier et dans sa tête tout se bousculait et se mélangeait !
Poirot et Holmes enquetaient dans Le Nom de La Rose ! Les Dix Petits Nègres montaient Les 39 Marches ! Et Maigret trainait dans Écho Park !

Il se sentait perdu dès ses premières réflexions !

Il se tourna vers le roman d'amour. Il repassa dans sa tête toutes les aventures amoureuses qu'il a vécu par le biais de ses livres ! Et Dieu sait s'il s'en souvient ! Mais là encore ses souvenirs se bousculaient et l'émotion était encore au rendez vous ! De ce fait il voyait Anna Karenine volant la vedette à Juliette, Cyrano de Bergerac écrire à Yseult, et La Dame aux Camelias être une figurante des Liaisons Dangereuses !

Ses émotions l'emportaient. Il était submergé de frissons et de larmes.

Sa petite voix reprit les commandes de cette âme à la dérive et lui chuchota :
- essaye le roman d'aventures !
- oui. Je vais réfléchir à ça ! lui répondit-il du tac au tac.
Et à nouveau le voilà sombrer dans d'affreux délires de mélange et de confusion : Tarzan passait de liane en liane sur L'Île au trésor, Michel Strogoff partait pour un voyage de 80 jours autour du monde, Croc Blanc répondait à l'Appel de la Forêt et Robinson Crusoe trouve l'Atlantide !

C'était délirant ! Tout se retrouvait sens dessus dessous quand il voulait repenser à tous ces chefs d'œuvres. Rien n'était à sa place dans sa tête. Passer d'une œuvre à l'autre lui donnait le tournis à tel point qu'il se sentait comme le narrateur de la Recherche de Marcel Proust où quand, dans un demi sommeil, au moment où les paupières sont encore closes, l'esprit virevolte et ressent tout ce qui gravite autour de lui, et où les lieux et les époques, auparavant si chronologiques, tournoyaient dans son esprit, à la différence que chez Proust, tout était organisé et construit.

Bref il était perdu. Tout ce qu'il avait lu n'était plus que de la poussière, inexploitable, insondable, inutilisable.

Ses amis les livres ne l'aidaient pas. Il était désespéré. Il fallait qu'il trouve tout seul quoi écrire et aussi comment l'écrire !

Il était livré à lui-même.

Montez !Where stories live. Discover now