Chapitre 13 - Le petit Poucet

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François ne savait pas par où commencer. La nuit glacée  arrivait mais il fallait qu'il sorte. Il prit son manteau, son écharpe et son courage à deux mains et décida de retourner bêtement à la bouquinerie pour demander "comment" on écrivait un roman !

Le grand chemin pour y aller fut plus long et plus dur qu'avant. La neige, le brouillard et les pauvres lampadaires ne l'aidaient pas.

Il tourna assez longtemps en rond et se sentit un moment égaré sous cette neige épaisse. Il s'arrêta une seconde pour reconnaître les lieux. En fait il se trouvait juste devant l'enseigne de la bouquinerie ! Il avait été comme guidé par la main de Dieu ! Ou du diable...

Les rires et les moqueries de Gérard l'attendaient dès son arrivée. Emile était reparti en tournée de signatures d'autographes aux quatre coins de l'hexagone !

GéGé fut surpris par cette visite tardive et avait l'air occupé à autre chose de plus sérieux et plus grave. Il avait les mains noires et grasses, comme s'il avait fait de la mécanique. Une petite tâche de sang frais ornait son pull sale. François lui fit remarquer.

- Vous vous êtes blessé Gérard ?

- Oh zut ! y en aussi là aussi ! Heu...oui je me suis coupé en bricolant un peu ce soir. Vous savez ! C'est le travail à la chaîne ici ! J'arrête pas !

- Désolé Gérard mais j'avais juste quelques questions ! Comment on faut pour écrire un roman !?

Gérard lui conseilla mille choses plus bêtes et improbables les unes que les autres :

- Ben Faudrait demander à Emile comment il fait ! C'est lui qui écrit !

Ou alors faudrait que t'ailles y voir sur le Youtube ! Y a des tutos pour ça mon gars !  Y a des écrivains qui font les malins et qui disent comment qu'ils ont réussi et comment que tu peux réussir toi aussi ! Mais c'est sûr que ça va ta coûter un bras !

Enfin Gérard, à court d'arguments, lui lança comme une dernière cartouche :

- Mais dis donc, je croyais que t'avais du talent toi ! On se serait trompé avec Emile !? On voulait faire de toi le prochain Goncourt ! Ben on aura même pas le prix des lectrices de Elle à ce rythme là !
Ha-Ha ! ria-t-il grassement en détachant bien faussement et bien distinctement les deux "Ha".

- Allez ! Retourne chercher l'inspiration ailleurs ! Et si tu la trouves, tu la lâches plus sinon elle s'envole comme un papillon !  Foi de Gérard ! Allez dégage ! C'est pas ici que tu vas la trouver la bonne fée ! Sinon, vu que t'es déjà venu, ce serait déjà fait !!! Hein ?! T'as compris la blague ? Fait ? Fée ? Non ? Pff ! Mauvais public ! Allez ouste ! Hors d'ici Gavroche ! Sale gamin des rues !

Et le pauvre enfant fut mit dehors comme une vieille godasse, loin de cette antre de la culture.

Il repartit tête basse et tout confus chez lui. Il neigeait à plus gros flocons encore et la nuit recouvrait déjà la ville de son manteau noir. La route n'était plus perceptible sous l'épaisse couche blanche. . C'était devenu une banquise où croustillait joyeusement chaque pas et qui aurait pu plaire aux esthètes et aux amoureux, mais à lui ça ne lui faisait ni chaud ni froid ! Enfin si ! Froid surtout ! Et humide ! Une de ses chaussures était trouée et la neige le glacait un peu plus à chaque pas. Il pensait à  "l'homme aux semelles de vents", Rimbaud. Et il se récitait dans sa tête :

- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou, et je les écoutais, assis au bord des routes ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes de rosée à mon front, comme un vin de vigueur, où, rimant au milieu des ombres fantastiques, comme des lyres, je tirais les élastiques de mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

Montez !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant