Chapitre IX ~ La sorcière et sa pierre à vin

67 19 9
                                    

Inès et Vaurien chevauchèrent pendant une bonne heure, tantôt au pas d'une discussion animée, tantôt dans un silence paisible. De loin, ils aperçurent alors la silhouette d'une jeune fille, dont le grand chapeau pointu et la longue robe noire se découpaient dans le ciel bleu. À son avant-bras était suspendu un petit panier en osier, et de temps en temps elle se baissait pour cueillir une plante par ci, un champignon par là, et l'entreposer délicatement à l'intérieur. Plus ils s'approchaient, plus ils la distinguaient clairement : elle était très jeune, sans doute une quinzaine d'années, et tout en elle semblait étrange et magique, de ses longues boucles rousses à son visage de poupée. En apercevant Inès et Vaurien, elle commença à agiter sa main libre, leur faisant signe de s'arrêter, et accourut vers eux.

- Bien le bonjour, voyageurs ! s'exclama-t-elle d'une voix chantante. Où allez-vous donc d'un si bon pas?

- Là où le destin nous mènera, répondit doucement Inès.

- Eh bien, on dirait que le destin vous a menés à moi, constata la petite fille en riant. Vous devez être fatigués, et la nuit ne va pas tarder à tomber. Quant à moi, occupée avec ma cueillette, je n'ai pas vu le temps passer, et me suis retrouvée bien loin de ma demeure ! Laissez moi grimper sur votre cheval, mademoiselle, et je vous hébergerai tous les deux pour la nuit. Je peux vous assurer que ma maisonnette sera bien plus confortable que le sol dur du chemin !

Inès se tourna vers Vaurien, qui avait été le premier à ressentir la supercherie du bois enchanté, et vit qu'il se grattait la nuque, l'air mal-à-l'aise. Et alors qu'elle s'apprêtait à refuser, elle remarqua que ses joues et son nez étaient couverts de plaques roses, et que son geste relevait en fait plus de l'embarras que du pur malaise.

- Oh, eh bien, si mon ami est d'accord ! lança-t-elle en jetant à Vaurien un regard en coin.

- Oh? Hum, oui, marmonna le petit vampyr en baissant les yeux.

- Parfait ! s'exclama la petite fille, et elle saisit la main que lui tendait Inès, pour s'installer derrière elle.

- Comment vous appelez-vous? demanda gentiment la princesse.

- Aglaé, lui répondit la fillette. Et vous?

- Je suis Inès, et voici Vaurien.

- Enchantée ! Quelle belle compagnie vous formez !

- Accrochez-vous bien à moi, Aglaé.

- Oui, oui !

- Donc, euh, Mam'zelle, vous... vous vivez toute seule? demanda timidement Vaurien, et Inès étouffa un petit rire.

- Oui, répondit Aglaé. Voyez-vous, je suis une sorcière.

Elle poussa un soupir théâtral.

- C'est un métier assez difficile à exercer, surtout en ces temps. Ah, figurez-vous qu'avant-hier, je me suis fait voler tout un stock de boules de cristal ! Les malfrats ont attendu que je sorte faire ma cueillette et en ont profité pour entrer chez moi et chourer le premier truc intéressant à leur portée !

- Des boules de cristal? Pour... voir l'avenir? s'étonna Vaurien.

- Euh, non. En fait, je me suis trompée dans la fabrication de l'enchantement, et les boules de cristal se sont retrouvées à créer des illusions. Mais enfin, ce n'est pas très important... Ah, si je mets la main sur ces bandits ! Je les transforme en cochons et je vous les sers au dîner !

En entendant cela, Inès s'était raidie. Vaurien aussi semblait perplexe.

- Pas besoin, grogna la princesse. Nous leur avons déjà réglé leur compte.

Elle s'appelait VengeanceWhere stories live. Discover now