1 - laisse moi t'aider

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C'est entre les quatre murs du collège Saint Vincent, que je l'ai rencontré.

Plus exactement dans le couloir nord du deuxième étage, devant la porte L 04, une classe de langue d'où je sortais. Nous étions un vendredi, 17h30, après un cours d'anglais.

Dehors - à l'image de mon moral, le ciel était d'un gris opaque. Mon corps n'était qu'une enveloppe gelée, que le soleil ne pouvait réchauffer. Les épais nuages asphyxiaient sa chaleur, ne lui permettant alors pas, de cogner contre les grandes fenêtres pour venir sur moi et de sa lumière, me rassurer que des jours meilleurs arrivaient.

La sonnerie stridente annonçant la fin de journée, résonnait dans l'établissement mais, je demeurais au milieu de ce couloir qui se vidait peu à peu de la présence des élèves. Ils s'empressaient jusqu'à la sortie, impatients de retrouver leur liberté pour profiter du week-end. Tous les élèves sans exception passaient devant moi, comme si je n'existais pas. Les genoux à terre, le visage près du sol, j'étais seul à essayer de retrouver mon souffle. On m'avait bousculé, on avait ouvert mon sac avec une telle violence qu'il en était presque entièrement vide. Mes affaires éparpillées étaient ma seule compagnie, reflétant parfaitement le chaos qui m'envahissait alors. Bien que le rire lointain de mes camarades et leurs propos acerbes ne cessaient de me revenir en tête, j'étais plus ou moins bien. Je savourais ce moment de paix et cette soudaine consolation : pendant deux jours, je n'aurai plus à les affronter.

Mon fardeau à moi, c'était eux.

Noël n'était pas encore passé, que je n'en pouvais déjà plus. Malheureusement, deux petites semaines s'étaient écoulées depuis le début de l'année scolaire. Ce n'était que le début. Chaque journée était affreusement longue. J'avais l'impression que le temps se suspendait quand il ne marchait pas au ralenti et que les seuls moments où je pouvais me réjouir de ne pas les voir, passaient à une vitesse folle !

Il m'arrive souvent de repenser à cette époque. Je me surprends même, aussi fou que cela puisse être, de vouloir y retourner. Ne serait-ce à ce moment-là, à cette seconde près où une voix s'élevait du silence :

— Ca va ?

Je relevais doucement la tête. Devant moi se tenait un garçon qui se présentait avec la main tendue. J'observais longuement ses doigts fins, incapable de prononcer le moindre mot. Un élan soudain me prit, pendant lequel je me pressais pour réunir mes affaires.

— Laisse moi t'aider, ajouta t-il.

Toujours occupé à regrouper les feuilles volantes qui s'étaient échappées de l'un de mes classeurs, je ne le vis pas s'agenouiller mais je sentais qu'il me regardait. Je me relevais avec précipitation en lui adressant un coup d'oeil.

— Qui es-tu ? ai-je demandé.

Son sourire s'élargissait à m'en faire froncer les sourcils, embarrassé.

— Je m'appelle Lucas. Je suis dans ta classe, depuis...aujourd'hui.

— Je ne vois pas qui tu es, signalais-je.

Face à son air - que je ne saurais décrire, j'ignorais si j'étais plus en colère ou plus abasourdi. Cependant, ce fameux Lucas avait raison. J'avais beau réfléchir, je ne me rappelais pas l'avoir vu, ni même entendu un professeur lors de l'appel, souligner sa présence. L'arrivée d'un nouvel élève ne passait généralement pas inaperçue et pourtant... Sans doute, avais-je l'esprit ailleurs, tapis dans mon monde imaginaire.

Il y avait de quoi me sentir idiot et pour rattraper le coup, je me présentais alors :

— Maël

— Je sais.

Décidément cette rencontre était loufoque, mais j'eu l'impression que Lucas ne m'en voulait pas d'être si tête à l'air. Je le soupçonnais même de s'amuser de la situation, sans toutefois, porter le moindre préjugé à mon égard. 

Seul à seulWhere stories live. Discover now