3 - l'appel au secours

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Mercredi.

Le couloir où je marchais était interminable et oppressant. Sa fin me paraissais inaccessible. Tous les regards étaient braqués sur moi et leurs voix tel un bourdonnement, augmentait d'intensité à mesure que j'avançais. Je ne pouvais pas courir sans qu'un malaise ne pèse aussitôt sur mes épaules. J'avais la désagréable sensation que le sol allait céder sous mon poids, si je cherchais à me précipiter. Le seul acte de bravoure dont j'étais capable, était de serrer les bretelles de mon sac à dos. Pendant ma traversée, il s'abattait sur moi tous les noms d'oiseaux possibles et inimaginables. Je me demandais quelles étaient leurs sources d'inspiration, ils articulaient inlassablement :

— Tête à claques.

— Pédé.

— Sale moucheron.

— Petit con.

L'affront cognait durement contre moi, respirer devenait de plus en plus difficile. C'était comme si l'air manquait cruellement d'oxygène car trop chargé en ondes négatives. J'étais à deux doigts de m'évanouir tant l'atmosphère m'incommodait. La gorge me piquait et je sentais une dure pression sur ma poitrine. Pour ne rien arranger, je me posais mille et une questions : je ne comprenais pas très bien... Il n'y avait rien de flatteur à offenser quelqu'un. Que gagnaient-ils en fin de compte ? Pourquoi, ô diable, s'acharnaient-ils ainsi sur moi ? Quelle satisfaction en tiraient-ils ? Il n'y avait vraiment rien d'héroïque et de remarquable à être si méchant. Je n'étais pas moi-même, la représentation fidèle d'un valeureux, capable de faire taire leurs assauts. Pourquoi étais-je leur victime désignée ? Je ne faisais rien pour attirer l'attention, je n'étais pas des plus bavard, ni trop extraverti. Peut-être me trouvaient-ils étrange ? C'était sans doute ça mon tort : je suscitais l'intérêt car j'étais trop...différent. Ou peut être que mon erreur était d'exister...

Je vis d'abord une mèche de cheveux puis je croisais un regard clair : Lucas m'apparu comme un mirage et c'est dans ses yeux que je puisais la force qui me manquait pour échapper à ce tumulte. Je sentis mon coeur s'emballer, probablement à cause de mon stress. Ce qui suivit se passa très vite. Lucas refermait sa main autour de mon poignet et me conduisit jusqu'à une salle de classe. Encore distrait, j'entendais à peine la porte se refermer. Maintenant, nous étions seuls. Dans ce silence presque religieux, on entendait seulement ma violente respiration.

— Il faut que tu ailles à l'infirmerie, suggèrait Lucas soucieux de mon état.

— Non ! Pourquoi ça ? Pour...quoi faire ? Je vais...bien.

— Tu es sûr ?, s'assurait-il alors que mon souffle entrecoupé ne se calmait pas.

Je n'aimais pas la façon dont Lucas me regarder, très mal à l'aise qu'il ait pu me voir ainsi. J'aurai préféré éviter ne pas le croiser à ce moment-là, bien que paradoxalement, j'en fus très soulagé. Par pudeur, je chassais son regard et restais muet.

— Maël...

— Je t'ai dis non !, bougonnais-je en fronçant les sourcils.

— Tu crois sérieusement que je vais rester les bras croisés et laisser ces pauvres cons te martyriser ?!

Lucas haussait le ton et je n'aimais définitivement pas cela.

Qu'est-ce que ça peut te faire ? En quoi ça te regarde ? Je le fusillais du regard. Il y a encore quelques jours, tu n'étais pas là ! On se connait à peine, voire pas du tout !

Je fus prit d'un mouvement de recul quand il osa s'avancer.

— J'ai envie de t'aider, expliquait Lucas d'une voix calme.

— Lâche-moi !

Révolté, je fonçais vers la porte qui claqua brutalement après ma sortie. Je ne lui laissais pas d'autre choix que de me laisser tranquille. Ce n'était pas la voix de Lucas qui me parvint alors, mais celle d'un surveillant qui passait par-là. Tandis qu'il me réprimandait, j'étais déjà loin : je courais jusqu'aux toilettes où un haut-le-coeur me mit plus bat que terre.

Seul à seulΌπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα