Wattpad Original
There are 6 more free parts

Chapitre 1 - Oops ! I Did it Again

7.1K 921 131
                                    

Je reste assise là, plantée devant ma tasse de chocolat, ne m'étant toujours pas faite au goût du café. Le bouton « adulte » ne s'est pas encore allumé, je crois. Je reste assise là à regarder la vapeur s'en échapper, disparaissant petit à petit dans l'air. Je reste assise là, à fixer la mousse tandis que sa question reste en suspens.

Je n'ai pas de réponses à lui donner.

— Alors ? Tu as des nouvelles de Caleb ? demande Alexis

« Caleb ». Un nom qui me paraît si familier et pourtant étranger. Cela me fait toujours étrange de l'entendre. « Caleb ». Tel un spectre il s'est évanouit de nos vies. Disparaissant et pourtant étant toujours présent. Il n'est pas difficile d'ignorer sa vie grâce à Internet et à mon ami Google.

— Non. Pas depuis un moment.

De quand date le dernier message ? La dernière conversation sur Skype ? De quand date la dernière fois où j'ai entendu sa voix ?

Je crois que l'on s'est simplement oubliés. Délaissés par ces silences qui comblaient nos conversations. Nous n'avions plus rien à nous dire. Au début, c'était mignon, on s'appelait tous les jours, on se racontait tout et puis, au fil du temps on s'est contenté d'un « Tout va bien » même quand tout n'allait pas bien. On a arrêté, mutuellement je crois, de se raconter nos vies. Pourquoi ? Peut-être parce qu'on avait cette impression étrange d'avoir perdu ce petit quelque chose qui faisait toute la magie entre nous.

On s'est simplement éloignés. On avait nos vies. Nos rêves. Trop de grandes choses à gérer pour de si petites personnes. On s'est laissé dépasser.

— Et toi ? Tu as eu quelque chose ? Autre de ce que pourrait raconter Instagram ?

Il a un léger sourire sur le visage. Il sait que malgré ce que je peux dire, je n'ai jamais cessé de garder un œil sur lui. C'était devenu maladif. J'avais besoin de savoir. De me tenir informée. J'avais besoin de me sentir concernée. Pourquoi ? Je n'en savais rien. J'avais juste eu ce besoin en moi.

— On s'est parlé il y a quelques jours. Il allait au Japon il me semble... Il m'a demandé de tes nouvelles.

— Hmmm... S'il veut, il n'a qu'à venir les chercher. Je ne comprends pas.

— Vous ne vous parlez plus tous les deux ?

— Je ne dirais pas que l'on ne se parle « plus », nous ne sommes pas fâchés ni rien mais... Je ne sais pas... C'est bizarre. C'est comme si nous n'avions plus rien à nous dire. À nous raconter.

Alors un soupir lui échappe. Il semble désespéré. Je peux le comprendre. Moi aussi je le suis au fond. Désespérée. Désemparée même. Je ne comprends pas qu'on puisse s'être laissé aller comme ça.

Loin des yeux... Loin du cœur. Quoi que l'on dise, la distance forge le fossé.

— Bon... Sinon... Raconte-moi tout ! J'ai l'impression que ça fait des mois que l'on ne s'est pas vus !

— Seulement une semaine... Et rien n'a changé depuis.

— Toujours à suivre des cours de psycho ?

Je connais cette intonation. Il rit à chaque fois que l'on parle de ça. Qui aurait cru que je finirais dans ce genre de truc-là ? Moi-même je me pose souvent la question. Mais je me dis qu'après tout ce que j'ai traversé... Me comprendre m'aiderait peut-être à comprendre les autres, leur fonctionnement, le fonctionnement du monde aussi. J'avais besoin de réponse après tout ce temps.

— Et toi ? Toujours à jouer la commère de ces dames ?

— Si tu savais... On apprend une montagne de choses en étant coiffeur ! Puis toutes ces grands-mères qui nous racontent leurs vies... Je te jure...

— Mon pauvre, tu as l'air si fatigué !

— C'est ça, moque-toi de moi. Je ne dirai rien.

Depuis le départ de Caleb, beaucoup de choses ont changé. En mieux je suppose. Cela fait déjà trois ans et on a tous plus ou moins pris des chemins différents. Sauf Alexis et moi. On arrive toujours à se voir, peu importe nos emplois du temps. Il faut avouer que la proximité de son salon et de mon logement universitaire facilite bien des choses pour nous.

— En attendant, tu rigoles mais c'est de toi que je devrais rire... Ta collocation se passe bien ?

Je le vois. Son petit sourire frimeur derrière ses grands airs de rien.

— Tu serais surpris du contraire. Honnêtement, je ne m'attendais pas à ça non plus.

— Les copains !! Je suis là !

On se retourne, voyant une touffe blonde bousculant tout le monde avec ses sacs et s'asseyant à notre table avec un grand sourire. Oui, elle, elle ne changera jamais.

— T'as encore dévalisé les magasins dis-moi...

— Non, non, je refais ma garde-robe pour cet été. Nuance. D'ailleurs Polochon, t'aurais pas de la place dans ta penderie ? La mienne déborde déjà.

— Débrouille-toi mais il est hors de question que tes trucs en moumoute m'envahissent. Je te rappelle que t'as déjà conquis et monopolisé la moitié de l'appartement.

— Hmmm...

— Dis donc Savannah, tu comptes vraiment mettre tout ça ? Je veux dire, même pour toi ça fait beaucoup non ?

Oui, contrairement à ce que l'on aurait pu croire, je n'ai pas tiré un trait sur mon passé. À vrai dire, même si les choses ont un peu changé, voire beaucoup, Savannah est restée dans ma sphère privée malgré toutes mes tentatives pour l'en sortir.

Il s'avère que ce n'est pas une si mauvaise personne et pour une étudiante en droit, elle sait plutôt bien utiliser ses deux neurones restants. Le reste étant sûrement camouflé sous un fond de teint hors de prix. Comme d'habitude. Savannah est peut-être la seule qui n'a pas changé depuis le lycée.

— Oh ! Un message de Raphael ! Je dois y aller ! À plus tard, Polochon !

Eh oui. « Polochon » aussi est resté. Mais je ne le prends plus vraiment comme avant. En fait, je ne prends plus rien comme avant.

— Encore un qui va se faire dévorer tout cru. Je prierai pour son âme.

On se met à rigoler quand la tornade blonde quitte le café.

— J'ai oublié de te dire tout à l'heure mais... Joey est en dédicace en ville, on devrait aller le saluer non ?

— Il va me tuer... Je n'ai même pas fini de lire son bouquin. Il est presque aussi complexe que mes cours. Pas grave, je ferai genre que j'ai totalement aimé.

— Ça te ressemble bien. Donc on se donne rendez-vous samedi ?

— Tu m'envoies l'adresse et l'heure par message ? Je dois y aller, je vais être en retard sinon. Pour changer !

— Pas de soucis ! À samedi alors !

— À samedi !

Oui. Vraisemblablement, tout le monde a sa petite vie.

Tout le monde semble avoir trouvé sa place.

Sauf moi.

J'ai 21 ans et je patauge toujours autant dans la semoule. Je me cherche. Je cherche ce que je veux faire de ma vie et le pire, c'est qu'il n'y a pas l'ombre d'une idée en vue. Tout ce que je veux c'est réussir ma scolarité, avoir mon diplôme et mener une petite vie tranquille mais maintenant que j'ai enfin réussi à avoir tout ça... J'ai l'impression d'avoir un trou béant en moi. Un vide. Tout ce que je fais, tout ce que j'essaye ne semble pas l'aider à se remplir et je commence à perdre pied.

C'est dans ce genre de moment où j'aurais aimé qu'il me dise quoi faire. Dans ce genre de moment que j'aurais aimé lui dire que j'ai besoin de lui.

Mais il n'est pas là. Il n'est plus là et c'est à moi de faire ma vie maintenant, sans que personne ne me tienne la main, même si, à chacune de mes chutes, je sais qu'Alexis sera là. Il a toujours été là. Telle la bonne fée veillant correctement sur la princesse.

Cette pensée ne manque pas de me faire sourire.

C'est comme si Cendrillon avait de nouveau perdu sa pantoufle de verre.

Quelle bonne à rien celle-là ! 

Miss Kilos 2 - La revanche d'une grosse !Where stories live. Discover now