Surnaturels Tome 2 : Transformation. [Publié chez INCEPTIO EDITIONS]

Chapitre 3 : Blâmer le monstre.

Il est quelque part dans le Majestueux, et je dirai même qu'il est très proche. Comme s'il était dans le dortoir. Je fais coulisser la porte de ma chambre afin de la refermer, puis je fais volte-face. Celle du Leader se dresse devant moi. Son symbole, l'œil de la raison, y est fièrement incrusté. Pourtant, je sens que ce n'est pas ici qu'Angie se trouve. Ce n'est pas tant une vibration, qui me guide jusqu'à lui. C'est un chemin précis, et le reste qui se floute autour de moi. J'ai l'impression d'avoir activé la localisation psychique du Leader. Or, c'est tout bonnement impossible puisqu'il n'a plus de pouvoirs.

Je ne sais pas très bien ce qui me conduit droit sur le seuil de la chambre de l'Aimant. Quoi qu'il en soit, c'est l'endroit exact où cette sensation m'a mené. En face de cette fameuse porte, arborant au centre le symbole d'une poignée de mains. Elle est déjà légèrement entrouverte. Mon cœur cogne si fort dans ma poitrine que je ne m'entends plus du tout respirer. Je ne sais pas à quoi m'attendre de l'autre côté de cette porte. Mille et une pensées me traversent l'esprit, si bien que je prends une grande inspiration et décide de l'ouvrir d'emblée. Je ne voulais pas attendre plus longtemps. Me connaissant, j'aurais sans doute hésité et mis trois cent mille heures à faire coulisser cette fichue porte.

Tout en parcourant la pièce du regard, je me rends compte qu'elle est en tout point pareil avec ma propre chambre. Mais ce n'est clairement pas le plus important à relever. Angie est assis sur le lit de Zéphyr. Je ne vois pas son visage, il est totalement dos à moi. Je ne me rends pas bien compte qu'il se trouve juste en face. Deux semaines qu'il a complètement disparu du royaume, et le voilà revenu, d'un coup. Comme par magie. C'est bien trop beau pour être vrai. Je n'ai pas eu le temps de m'y préparer. Je ne sais pas du tout comment réagir. Devrais-je laisser la joie prendre le dessus ? Ou bien la colère ?

Il ne semble même pas avoir remarqué ma présence. Ce qui, au fond, est tout à fait normal. Je n'ai pas fait de bruit lorsque la porte a coulissé. Et il n'a plus ses pouvoirs. Il ne peut désormais plus sentir la présence des autres. Devrais-je m'annoncer, avant de pénétrer dans la pièce ? Je ne tiens pas à le prendre par surprise.

-Tu peux entrer, articule-t-il soudainement.

J'écarquille les yeux de surprise. Je devrais me demander comment il s'est débrouillé pour savoir que je suis ici, mais le son de sa voix occupe la moindre parcelle de mon esprit. Elle résonne dans ma tête. Sa voix grave, légèrement rauque et autoritaire. Elle m'avait atrocement manqué.

Je rentre pour de bon dans la pièce, le cœur serré d'appréhension. Je n'ai toujours pas décidé si je laissais la colère, ou bien la joie prendre le dessus. Ces deux émotions se mélangent à l'intérieur de moi. Et comme si ça ne suffisait pas, la surprise vient s'y rajouter lorsque je remarque les habits que porte Angie. Il est entièrement vêtu de rouge. Il est si élégant que j'en reste à court de mots. Cette couleur se marie tellement bien avec le blond de ses cheveux que j'en suis venue à perdre la phrase que je voulais prononcer. C'est exactement le même costume que celui de Maximilien, à la différence qu'il ne porte pas de nœud papillon. À ses côtés, posée sur le lit de l'Aimant, se trouve une cravate blanche. Tout porte à croire qu'il s'apprêtait à se rendre à la cérémonie. Alors pourquoi n'est-il pas venu ?

-Tu n'étais pas là, murmuré-je.

Ce sont les seuls mots que mes lèvres ont bien voulu laisser sortir. Les premiers que je lui adresse après deux semaines d'absence. Et je m'en veux déjà. N'aurais-je pas pu trouver mieux à dire ? Angie n'a même pas daigné lever la tête vers moi. Il reste assis sur le lit, les avants-bras posés sur ses cuisses, triturant je ne sais quoi entre ses mains. Je m'avance encore un peu, réduisant avec lenteur cette terrible distance qui semble être devenue horriblement familière entre nous.