CHAPITRE 3

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« Le monde est un grand bal où chacun est masqué » Luc de Clapiers, Marquis de Vauvenargues

Cela faisait quatre jours qu'elle était arrivée. La maison ainsi que le personnel étaient presque inchangés. Son frère répondait aux abonnés absents et elle n'avait croisé son père que lors des repas. Ce matin-là lorsqu'elle pénétra dans la salle à manger, ce dernier déjà présent, était installé en bout de table à la même place que les vingt années précédentes. Mais ce qui coupa Elena dans son élan fut l'homme positionné à sa droite. Son cœur s'emballa sous la peur et elle perdit pied quelques secondes. Miguel était le bras droit de son père. De formation militaire, il était l'exécuteur d'Alessandro et dans ses yeux vides et froids, on pouvait y lire toute la cruauté qui l'habitait. Il la fixait un sourire sarcastique sur les lèvres. Cet homme avait été son pire cauchemar quatre ans auparavant et il se délectait de la souffrance qu'il lui infligeait. Elle reprit le contrôle de son corps et avança en l'ignorant.

— Mon enfant, assieds-toi donc. J'ai de bonnes nouvelles à te communiquer.

La suspicion d'Elena refit surface, cet éclat dans les yeux de son père ne présageait rien de bon. Elle prit le temps de se servir avant de prendre place et se tourna vers lui.

— Elena, il y a du personnel pour le service voyons ! Comme je vous le disais, j'ai une bonne nouvelle. J'ai décidé d'organiser une petite réception ce samedi pour fêter ton retour. De plus, certains partenaires importants seront présents et je compte sur ton entière coopération, dit-il avec un sourire en coin. Qu'en penses-tu ?

Elena se raidit imperceptiblement sur sa chaise. Elle connaissait son père, la réception n'aurait rien de petit et sa demande n'avait rien d'anodin. Alessandro avait défini son rôle il y a bien longtemps. « Tu vois princesse, ta beauté et ton intelligence sont tes ressources. Sers-t'en, apprends. Les hommes seront faibles face à toi, tu es ma plus belle arme, mon atout majeur. » Elena garda un masque de convenance, elle avait appris du meilleur. Aucune émotion, aucune faiblesse. Si bien que certains la surnommaient la reine des glaces.

— Papa, je ne suis arrivée que depuis quatre jours et je ne suis pas sûre qu'une réception mondaine soit une bonne idée. Nous pourrions reporter l'évènement à la fin de l'été. Je pensais de toute façon prendre deux mois de congés avant d'envisager la suite.

— Certainement pas jeune fille, tes « vacances » en Europe t'ont apparemment fait oublier qui décidait ici, gronda-t-il. Tout est déjà organisé. Tu pourras voir les modalités avec Miguel.

Elle compta jusqu'à dix calmement, faisant fi de l'expression satisfaite de l'homme assis face à elle, avant de se tourner vers son père.

— Tu as en effet tout prévu je ne vois donc pas pourquoi mon avis t'intéresserait, répliqua-t-elle sarcastiquement.

— Change de ton, veux-tu bien. Les invitations sont déjà parties et j'ai embauché une organisatrice pour la réception. Elena, n'oublie pas que nous avions un accord. Tu n'es plus une enfant à présent et il est grand temps que tu prennes tes responsabilités. Il incombe certaines prérogatives et obligations dues à ton rang et à ta famille. Je t'ai laissé quatre ans pour étudier et jouer à la touriste, mais aujourd'hui nous avons besoin de toi. J'ai besoin de toi.

Soudain, elle vit la lassitude se peindre sur les traits d'Alessandro, il était plus fatigué qu'en colère et cela l'inquiéta.

— Papa que se passe-t-il ? Tu as des problèmes ?

— Non, principessa, ne t'inquiète pas. Cette réception est importante. Par la suite, j'aimerais que tu analyses la gestion des clubs de ton frère comme nous en avions parlé l'hiver dernier par téléphone. Mais nous verrons ça plus tard Elena. Je suis content que tu sois rentrée, je suis trop vieux pour les conneries de cet idiot maintenant. Finis ton café tranquillement, je te laisse.

Il se leva et s'en alla. De nombreuses questions tournaient en boucle dans la tête d'Elena et la plupart de ses interrogations concernaient son frère Aldo. Elle ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter. Plongée dans ses pensées, Elena n'entendit pas Miguel s'approcher furtivement derrière elle. Pensant qu'il suivrait son père, elle avait abaissé sa garde. Tous ses muscles se contractèrent quand elle sentit son souffle trop près de son oreille.

— Ma belle Elena, je ne croyais plus à ton retour, lui susurra-t-il.

Elle préféra garder le silence, mais instinctivement ses doigts se crispèrent sur le couteau à beurre. Elle imaginait pouvoir se tourner et lui porter un coup fatal.

— Je sais à quoi tu penses ma belle, lui dit-il enserrant son poignet afin qu'elle lâche son arme de fortune. Ne crois pas que mes menaces ne soient plus d'actualité, tu vas être une gentille fille avec ton père. Je serai désolé d'apprendre que ta chère Alma ait eu un accident prématurément ou bien cette belle Sophia.

— Lâche-moi immédiatement, je connais ma place alors laisse-moi.

Les souvenirs de cette nuit fatidique lui revinrent par flash. Alma... Elle mit sa souffrance de côté, se tourna vers lui et d'une posture étudiée se pencha à son oreille pour chuchoter.

— Je te conseille de ne pas oublier où est la tienne, après tout tu n'es que le chien-chien à mon père, tout juste bon à faire le sale travail.

Aussi vif qu'un prédateur, il la releva, l'attrapa par les cheveux et tira avec force afin que son visage se retrouve face au sien.

— Oh, mais je n'oublie pas et tu n'oublieras pas non plus le jour où je te soumettrai comme la sale chienne que tu es. Tu n'imagines même pas comme j'attends ce jour avec impatience, lui dit-il en passant sa langue le long de sa joue.

Elle réprima un haut-le-cœur et le fixa avec détermination.

— Je te tuerai enfoiré et c'est en enfer que je t'enverrais, je te le jure.

Elle se dégagea de force et sortit prestement.


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Reviens-moi - ÉDITÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant